Avant d'aller plus loin, il faut que vous sachiez avant tout que Cole n'était pas humain, ou du moins pas vraiment. Autrement ce ne serait pas mon ami. Non ... Cole était un membre de la communauté. Je ne savais pas vraiment depuis combien de temps il l'était, mais ça faisait déjà un bail. Un blond d'une vingtaine d'années, le regard perçant et toujours muni d'un cure-dent qu'il mordillait à longueur de journée ; et si ce n'était pas un cure-dent qu'il avait entre les lèvres, c'était une cigarette, un sacré nerveux.
J'allais souvent le voir dans ce bar les soirs. Non pas parce que j'aimais bien boire en sa compagnie, mais parce que c'était le seul avec qui je pouvais éprouver le mépris le plus brut envers les Hommes en dehors de la communauté. Non seulement parce qu'il partageait pleinement mon avis sur le sujet, mais parce qu'il avait la capacité de le confirmer à tout moment, et dans ce lieu même. Voyez-vous, Erevan nous avait formés, nous avait fabriqués à partir de notre passé ; pour moi, en profonde dépression, écrasé sous une masse sociale tous les jours et subissant une douleur omniprésente, il m'a façonné de façon à ce que je puisse faire subir aux gens une douleur monstre, et que je me nourrisse de cette dernière, assez métaphorique comme raisonnement ce qui devait expliquer pourquoi j'étais son premier Vampire. Et bien pour Cole c'était la même chose ; ce dernier était un jeune paranoïaque qui chaque jour s'enfonçait un peu plus dans une folie incontrôlable, une folie à vouloir s'en suicider m'avait-il confié. Il en avait même quitté son foyer, ses parents, sa famille, pensant qu'ils lui voulaient du mal à tout moment, qu'ils complotaient contre lui et qu'ils l'utilisaient à leurs propres fins depuis sa naissance. De ce fait, comme il l'a fait pour moi, Erevan est apparu à lui juste avant une tentative de suicide et lui a proposé un pacte, c'est comme ça que Cole Trent est devenu un Médium.
La première fois qu'il m'avait raconté ça j'étais un peu perplexe. Mais j'ai appris par la suite que c'était une des créatures les plus puissantes d'Erevan, aussi puissante que moi. Car contrairement à ce que vous pouvez penser, et à ce que j'ai pu penser aussi auparavant, Cole pouvait dorénavant lire dans les pensées des gens, savoir ce qu'ils pensaient et ainsi se libérer de sa paranoïa. Mais il pouvait également entrer directement dans leurs souvenirs, les modifier, et de ce fait, changer la personne qu'ils étaient ; il pouvait rendre un individu qui était au plus bas, le plus heureux qu'il soit, tout comme il pouvait faire croire à un PDG d'une multinationale qu'il était le fils d'un misérable alcoolique ouvrier dans une mine. Mais le plus intéressant là dedans, c'était de soumettre ces individus et de leur faire croire qu'ils le servaient depuis des années, pour la bonne cause. Et c'est donc de cette façon que lui et moi, nous nous amusions des clients du bar qui en sortaient souvent différents de ce qu'ils étaient en y entrant, ou alors qui n'en sortaient pas du tout. Ça devait être l'effet Devil's Bar.
- Tu sais sur quoi il m'a mis ? Lâchai-je en m'asseyant à la table de mon ami.
Les deux mains placées autour d'un café encore chaud, le regard sévère toujours pointé en direction de l'homme assis au comptoir, il me répondit d'un ton calme.
- Le Wendigo en fuite. Il m'a briefé dessus aussi.
- On commence par quoi alors ?
- Lui.
Je tournai ma tête vers le comptoir, et examinai visuellement l'individu vêtu d'une chemise rouge à carreaux, la tête baissée, bouteille d'alcool en main.
- C'est quoi comme spécimen encore celui-là ?
- Rien de bien spécial, j'ai fait en sorte qu'il soit déprimé et qu'il aime cette bouteille plus que tout pour éviter qu'il ne soit trop agité pour la suite. Me répondit-il.
- La suite ? Ce petit chanceux va rester en vie longtemps ?
- Je ne pense pas.
- On attend du monde ?
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Les enfants du démon
VampireEdward Owens est un ancien dépressif. Auparavant introverti, insociable et méfiant, il était littéralement écrasé par une pression sociale insoutenable. De ce fait, il a tenté à quatre reprises de se suicider, mais en vain. C'est au jour de la derni...