spitting flowers ; myg

Huit

« there's a weak self standing, it's a little dangerous »

De la buée s'échappait d'entre ses lèvres tuméfiées tandis que ses jambes, plus lourdes que du plomb, avançaient difficilement, raidies par la douleur qui élançait son corps. La silhouette cheminait dans les rues de la ville, la capuche de son pull tombait sur son visage et camouflait une partie des bleus qui le décoraient aux yeux des passants qui l'observaient curieusement. Du sang séchait au coin de ses narines. Ses pas l'entraînèrent dans une ruelle étroite, à l'écart de la foule. Un gémissement franchit la barrière que formaient ses dents serrées lorsque son flan heurta le coin d'une grosse benne à ordures. Ses mains et ses genoux rencontrèrent le bitume alors que ses jambes avaient finalement renoncé à soutenir son corps plus longtemps. La silhouette sentit ses blessures se rouvrirent tandis qu'elle courbait le dos et essayait de se redresser. Après plusieurs tentatives, toutes vaines, elle abandonna et se résolut à s'adosser contre le mur.

Un étau se resserrait autour de son crâne. Sa vision était floue. Le froid mordait son visage, enveloppait ses mains. Ses jambes, étendues, étaient engourdies.

« Oh hé ? Il y a quelqu'un ?», une voix sur sa droite s'éleva, attirant son attention vers elle. A l'entrée de la ruelle se tenaient deux silhouettes, l'une plus grande que l'autre.

Son esprit embrumé remarqua que les pas se rapprochaient et que la voix était de plus en plus claire.

Deux visages entrèrent dans son champ de vision.

Deux visages familiers.

✽✽✽

Le tintement d'une cuillère contre le sol plongea tout à coup le réfectoire dans un silence tendu. Tous les regards convergèrent vers le couple qui se tenait au milieu de la salle. Les lycéens se rassemblèrent autour des deux adolescents, formant une sorte d'arène.Le temps semblait figé, comme en suspend. Chacun avait arrêté ses activités, ses conversations. Personne n'osait faire le moindre mouvement, trop effrayé par l'idée de perturber le calme qui s'était établi, un calme qui précédait une tempête. Min Yoongi et Park Eunji se regardèrent un instant sans dire un mot. Elle fut la première à rompre le lien en baissant les yeux sur l'ustensile à ses pieds.

« Ramasse. Sa voix, aussi tranchante qu'une lame, rompit le silence. Son ton autoritaire égalait celui d'un prince. Yoongi n'était pas le genre à ouvrir la bouche pour blablater sur un sujet quelconque. Il ne parlait que lorsque nécessaire : soit pour donner un ordre, soit pour humilier. Le regard ennuyé qu'il offrait à ses amis répondait à la question « ça va ? », pour le reste, un haussement d'épaules suffisait. Et il détestait par-dessus tout se répéter.

- Ra-masse, dit-il en insistant sur les syllabes, la voix plus forte. »

Ils étaient comme le soleil et la lune. L'un était puissant, craint et adulé à la fois par la foule. L'autre préférait se cacher, rester dans l'ombre et ne sortir que lorsqu'un endroit était désert. La lune cherchait à fuir le soleil. Et lorsque les deux se rencontraient, ils créaient un bien étrange spectacle.

« Non ».

✽✽✽

D'aucuns pensèrent que c'était la première fois qu'ils entendaient la voix de Park Eunji après plusieurs années de silence. Son ton n'était pas aussi dur que celui du garçon mais la détermination qu'elle avait insufflé dans ce simple mot suffit à faire sursauter quelques personnes autour d'elle. La plupart écarquillèrent les yeux, surpris par le courage soudain dont faisait preuve l'habituelle victime. Yoongi lui-même leva un sourcil, étonné.

- Non ? Répéta-t-il, déconcerté.

- Non. Je ne ramasserai pas ta cuillère.

Park Eunji releva la tête et soutint le regard du jeune homme. Elle sentait son visage rougir mais ne s'autorisa pas à détourner les yeux. Elle cacha ses mains tremblantes dans les poches de son uniforme. Depuis l'incident de la photo - et pire, du journal - la brune avait réfléchi. Elle avait appelé Taehyung le soir-même, parce que la voix grave du jeune homme se révélait être la seule chose qui pouvait calmer le flot de larmes. Elle ne s'était pas vraiment étalé sur le sujet mais elle lui avait avoué que quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, ce qui était une demi-vérité, avait volé certaines de ses affaires et les avait jetées, qu'elle avait marre de vivre comme cela. Taehyung lui avait conseillé d'en parler, et après avoir reçu un non catégorique de la part de la brune, lui avait demandé de se défendre. Rien de tout ce qu'elle supportait n'était normal. D'après lui, elle ne méritait pas ce qui lui arrivait, « personne ne mérite ça, Eunji ». Elle devait montrer aux autres qu'elle n'allait pas se laisser marcher sur les pieds parce qu'elle était Quelqu'un, pas un simple objet avec lequel on pouvait s'amuser. Les encouragements du brun lui avaient donné le sourire ainsi qu'une nouvelle force. Eunji était résolue : elle voulait prouver à Min Yoongi et à tous les autres qui se moquaient d'elle qu'elle était plus forte que leurs simples jeux. C'était ce qu'il attendait d'elle après tout, non ? Qu'elle lui réponde. Qu'elle résiste. Qu'elle se montre « digne de respect ».