Chapitre 19

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Vous qui entrez dans le bal de la vie, choisissez bien votre masque. André Maurois

-Excuse-moi ? Tu as dit quelque chose ?

-J'ai échoué à ma mission. J'accepte tout châtiment.

La Belle Dame, assise devant son miroir, brosse lentement ses interminables cheveux couleur d'or. Et moi, je la fixe, hypnotisé par ses gestes gracieux, les bras ballants.

Ses yeux argentés me détaillent le long du corps avant de revenir à mon visage, toujours couvert par le masque.

-Pourtant, il y a eu des victimes. Tu es couvert de sang.

-J'ai été repéré.

-Tu espérais cela, ne te cache pas derrière de fausses excuses.

Mes lèvres frémissent et je résiste à l'envie de sourire. Elle me connaît trop bien. Le meurtre a toujours fait partie de mes plaisirs.

-Certes. Mais il a été mis au courant par mon intrusion et en a profité pour s'échapper.

-Il a réussi à t'échapper ? Tu es sûr qu'on parle du même Duc ?

Elle se lève, et je peux détailler sa tenue de plus près : elle porte une robe courte bordeaux qui dévoile des jambes infiniment longues. Ma maîtresse a un goût prononcé pour les vêtements couvrant peu sa peau de porcelaine.

-J'ai eu un imprévu.

Elle tourne autour de moi tandis que j'admire son visage sans âge et d'une beauté sans pareil. Elle se place derrière moi et pose sa joue sur mon épaule.

Depuis que j'ai grandi, elle n'a plus besoin de se baisser pour m'étreindre.

-Tant pis. Ce vieux bougre se fera tuer par d'autres vengeurs.

-Mais je n'ai pas pu le punir moi-même! C'est encore plus frustrant ! Ma Reine, votre vie vaut plus que n'importe laquelle sur cette Terre.

-Tu dis ça pour me faire plaisir, mon trésor.

Elle pose ses lèvres sur mon cou et je ferme les yeux. J'ai toujours été insensible à tout, mais la douceur de la Reine aura toujours un effet sur moi, aussi faible soit-il.

-J'imagine que tu es fatigué. Je vais te laisser te reposer.

Et elle s'échappe, laissant un froid s'emparer de mon corps déjà glacé. Je m'incline et sors de la pièce sans plus de cérémonie.

Je traverse les multiples couloirs, croisant de temps à autre des gardes armés jusqu'aux dents et quelques serviteurs, jusqu'à que j'atteigne enfin ma chambre, située dans l'aile droite du gigantesque château.

Contrairement à celle de la Reine, la salle est décorée sobrement et n'est constituée que du strict nécessaire. Je suis beaucoup moins superficiel et me contente de peu, même si parfois il m'arrive de vouloir exposer quelques trophées, comme cette lourde couronne d'or appartenant au précédent roi du pays voisin, ou encore cette bague magique argentée, ancien effet d'une sorcière puissante (bien que pas assez pour survivre à ma dague).

Je m'assois sur la chaise situé en face du miroir et enlève mon masque pour le nettoyer à l'aide d'un chiffon. J'essuie les traces de sang, faisant étinceler de nouveau d'une blancheur éclatante le matériau. Voilà quelque chose de fait.

Je lève la tête et sursaute.

Dans le miroir, une silhouette me ressemblant m'observe, derrière ma chaise.

Sans plus réfléchir, je dégaine furieusement mon poignard et me retourne, mais il n'y a rien de plus que mon lit.

Je reporte mon attention sur le miroir ; la silhouette est toujours là. Je prends le temps de la détailler : c'est une copie conforme de mon visage.

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