Chapitre 21

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Il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir

***

Les yeux fixés sur la rose blanche offerte par le fleuriste, je réfléchis intensément tout en polissant avec soins mes armes de poche, rangés soigneusement par ordre de taille le long de ma table.

Tout a commencé à partir du Duc. C'est lui qui a déclenché cette série d'événements. Avec le contenu du bol, cette espèce d'eau qu'il m'a balancé à la figure. Cette attaque plus que ridicule que je n'avais pas su esquiver.

Un murmure attire alors mon attention. Je lève la tête vers mon miroir et entrouvre la bouche. Le voilà encore, ce visage double qui me fixe avec hésitation. C'est ça le problème : il a l'air humain. Oui, il a l'air humain. Cette fois-ci, je suis sûr que ce n'est pas un mirage.

Il se tient toujours derrière moi et a une mine inquiète, comme s'il se demandait ce qui allait se passer. Sa main tremblante est posée sur le dossier de ma chaise.

Je me retourne, les lèvres pincées, mais je n'aperçois toujours rien, seulement ma chambre grise et vide. Je reporte à nouveau mon attention sur la copie conforme de mon visage qui plante son regard étrangement doux dans le mien. Il hoche la tête, pour confirmer son existence puis s'efface comme de la poussière sous l'effet d'un coup de vent.

Je prends ma tête entre mes mains. J'ai tellement mal au crâne... Si je pouvais éliminer ce problème au fil de mon épée, comme toutes mes victimes, je m'en serais donné à cœur joie !

Je me redresse. La rose blanche posée sur la table ne semble pas avoir sa place sur cette table grise. Elle semble même totalement à côté de la plaque.

Je réprime un rictus, prends la fleur et la jette par ma fenêtre. Je déteste les fleurs. Leurs couleurs me donnent mal aux yeux et leur vie éphémère est tout à fait ridicule. Seules mes roses, les miennes, à moi seul, seules elles comptent véritablement. Elles servent à quelque chose, elles, au moins.

-Mon trésor ?

Je me lève à l'entrée de la Maîtresse et m'incline profondément.

Elle glousse et tortille une mèche entre ses doigts. Elle s'avance vers moi et me force à me rassoir.

-Tu as quelque chose à me dire, Blake.

Je l'observe s'admirer dans le miroir. Elle est réellement belle. Ses yeux en amandes glacés examinent son visage sous toutes les coutures. Sa peau blanche de porcelaine tranche sur la robe rouge rubis qu'elle porte aujourd'hui. Elle commence à prendre sa masse de cheveux et à chercher les imperfections invisibles, puis finit par laisser tomber. Elle se penche, près de mon épaule, vers ma tête et nous observe dans le miroir, côte à côte.

-Tu es si beau, Blake. Et si jeune. Si tu savais la chance que tu as...

-Mais vous êtes aussi jeune, Maîtresse.

Elle laisse échapper un rire moqueur et s'assoit sur ma table.

-Mon garçon, le temps est impitoyable. Il prend la vie, il prend la jeunesse, il prend la beauté.

Elle lance un regard en direction de son reflet.

-Et la mienne, par le Diable ! se fane tout doucement. Il arrivera un jour où je me flétrirai et où je deviendrai laide.

-Jamais vous ne serez laide, Maîtresse. Vous êtes puissante. Vous saurez conserver votre beauté.

Elle sourit et laisse échapper quelques mots que je ne comprends pas puis baisse le regard et penche la tête.

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