Protéger

Chapitre 22

On n'attaque pas seulement pour faire du mal à quelqu'un mais peut-être aussi pour le seul plaisir de prendre conscience de sa force. Friedrich Nietzsche

***

-Je n'ai pas tout à fait compris. Où m'emmenez-vous ?!

Cela fait bien plusieurs minutes que la Reine ignore mes questions et qu'elle traverse la forêt sans rien dire. Elle qui d'ordinaire ne se déplace que très rarement, la voilà en train de sauter par-dessus les racines et poser ses mains fines contre les troncs !

Sa capuche noire s'est plusieurs fois prise dans les branches des arbres, mais elle ne semble pas s'en soucier. Elle suit un chemin qu'elle seule arrive à percevoir, prenant de temps en temps le sentier de gauche, et des fois la descente de droite. Il arrive même qu'elle fasse des zigzags, puis des lignes droites ! Cela n'a absolument aucun sens !

Elle nous fait traverser un petit ruisseau, quelques rochers et un peu de boue. Le nez en l'air, les yeux captant les informations qu'elle recherche, même moi je n'arrive pas à la faire sortir de sa concentration. Puis soudain, elle s'arrête. Les sens aux aguets, j'observe les lieux ; il n'y a aucune différence avec tous les autres passages que l'on a emprunté. Pourquoi Keira s'arrête-t-elle là ?

Je renifle aussi : il n'y a que l'odeur du feuillage, de la forêt. Je cherche des indices qui m'expliqueraient cet arrêt soudain, mais il n'y a décidément rien à trouver ; seule la Maîtresse comprend ce qu'elle fait.

-Il est là, souffle-t-elle en fixant un tronc.

Je plisse les yeux, à l'affût du moindre mouvement, mais là encore, je ne perçois rien. Je finis même par me demander si ma Reine n'est pas un peu folle.

-Qui, est là ? je demande doucement.

Encore une fois, aucune réponse. A la place, un faible murmure musical franchit les lèvres rosées de Keira. A ma grande surprise, un faible courant vert sort de sa bouche et, transporté par l'air, vient effleurer les racines.

Encore un tour de magie. Une puissance sans égal que je ne posséderai probablement jamais. La vie est ainsi faite : je suis né pour être tueur.

Non... elle est juste enfouie au plus profond de toi.

C'est vrai. Mes roses, mes charmantes roses, ne sont-elles pas là le signe d'une magie supérieure ?

Le démon à l'intérieur de moi ricane doucement alors que je réprime une envie de sourire de dédain. Je suis bien plus fort que ce que tout le monde pourrait penser.

Après tout, je suis le Protecteur.

La terre tremble. Instinctivement, je recule d'un pas, contrairement à Keira, qui se met à genoux et commence à creuser. Elle enlève à peine quelques poignées de terre que la terre s'effrite tout d'un coup, et laisse entrevoir un trou suffisamment grand pour qu'un humain puisse y tomber.

-Allons-y.

Sans plus d'explication, elle saute dans le gouffre, me laissant seul. Après un moment d'hésitation, je décide de la suivre. Je saute à mon tour sans penser pendant une seconde dans quoi je pourrais tomber.

La chute dure à peine quelques secondes. L'instant d'après, j'atterris sur un sol plutôt meuble. La lumière au-dessus de moi disparaît, tandis que l'ouverture se rebouche de terre, nous plongeant dans le noir.

J'entends un frottement, et une flammèche apparaît aux mains de Keira, qui arbore un sourire satisfait. Je me relève et je fronce les sourcils lorsque je détaille le grand espace dans lequel nous nous trouvons.