Partie 22

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Février 2017

Les phares de la voiture éclairent la portion de route devant moi. Il est à peine vingt heures et j'ai l'impression qu'il est bien plus tard que ça. Un immense coup de fatigue s'est abattu sur moi quelques minutes après que je sois partie et il a fallu que je m'arrête sur le bas côté pour reprendre mes esprits. Ce n'était pas sensé se dérouler comme ça. Je devais lui dire. Moi. Pas ce putain dossier ouvert devant lui. Et puis, qui a bien pu lui envoyer? Qui a bien pu foutre en l'air ce bonheur en l'espace de quelques minutes?

Je savais qu'il n'aurait pas sauté de joie en apprenant pour Eliott. Je me doutais qu'il serait en colère. Mais pas qu'il me compare à elle. Non, ça il n'avait pas le droit. Je ne suis pas elle. Je n'ai jamais été elle. Il ne sait pas ce que j'ai enduré.

Ma vue est brouillée de toutes ces larmes qui coulent sans discontinuer et j'ai du mal à distinguer la route devant moi. Je renifle grossièrement et enfin, j'aperçois le parking de mon immeuble. Il était temps. Je reste quelques minutes assise dans l'habitacle, n'ayant aucun courage de me lever et de rentrer chez moi. Les jambes tremblantes, j'arrive à m'extirper du siège, tend le bras pour attraper mon sac puis ouvre la portière. Une pluie fine commence à tomber. Je marche tel un automate vers la porte du hall, insère la clé pour l'ouvrir puis entre à l'intérieur. Monter les escaliers est un supplice sans nom. Je me retiens à la rambarde pour me donner du courage. Devant ma porte d'appartement, je pose ma tête contre le bois et tourne la clé dans la serrure. Appuyer sur la poignée me demande un effort surhumain, je suis comme vidée de mes forces. Je pose mon sac sur la console de l'entrée, cherche les papiers de la voiture puis ressors de l'appartement pour aller frapper à la porte de mes voisins. Celle ci s'ouvre sur un Jeff qui change de visage en me voyant

"Ondine" souffle t'il

"Les papiers et la clé de la voiture de Thomas. Le plein est fait. Remercie le encore" murmurais-je en lui tendant

"Ondine, que se passe t'il?" demande t'il en posant sa main sur mon bras au moment où j'allais faire demi tour pour retourner chez moi

"J'ai besoin de dormir Jeff. Seulement besoin de dormir"

"Tu peux rester ici Ondine. Je vais aller chercher chez toi ce dont tu as besoin"

"Non. Non. Je dois dormir, j'oublierai peut être"

"Oublier quoi? Thomas?" crie t'il

"Quoi?" demande ce dernier en arrivant. Merde Ondine! Qu'est ce que tu as? Qu'est ce qui se passe?"

"Tu peux l'emmener dans la chambre d'amis, t'occuper d'elle le temps que j'aille chercher ses affaires?" lui demande Jeff

"Oui bien évidemment. Viens Ondine" me dit il en prenant ma main

Je me laisse tirer et emmener à l'intérieur. Thomas s'occupe de tout. Il me conduit à la chambre, me fait asseoir sur le lit.

"Je ne suis pas comme elle Thomas" sanglotais-je

"Comme qui Ondine?" demande t'il

"Je ne suis pas comme ma mère. Il a dit que j'étais comme elle"

"Qui a dit ça?"

"Je ne suis pas comme elle. Je ne pourrais jamais faire du mal à mon fils. Jamais. Il ne sait pas ce que j'ai vécu. Il ne sait pas ce que j'ai enduré."

"Allonge toi Ondine et essaye de dormir. Tu en as besoin. On discutera demain" chuchote t'il avant de se tourner vers Jeff qui vient de revenir

"Ondine, je me suis permis de fouiller dans tes tiroirs et je t'ai ramené ça, me dit il en me tendant un bas de jogging et un tee shirt. J'ai pris ton chargeur de portable également"

"Merci Jeff"

"Essaie de dormir Ondine, on discutera demain" ajoute t'il en m'embrassant sur le front, suivi de Thomas. Ils sortent de la chambre et me laisse seule. Je me déshabille lentement, puis enfile les affaires que Jeff m'a ramené. C'est recroquevillée sur moi même que je m'endors difficilement. Un sommeil perturbé par mes pleurs, et par elle.

L'état pitoyable dans lequel je me trouve ressemble à celui que j'avais neuf ans plus tôt. Quand j'étais enfermée. Quand elle me gardait prisonnière de ma chambre. Un coup léger frappé à la porte et celle ci s'ouvre sur un Jeff, visiblement inquiet. Il s'approche doucement du lit, puis s'assoit sur le bord. Sa main caresse doucement mes cheveux.

"Raconte moi Ondine. Explique moi ce qu'il se passe" demande t'il d'une voix douce

"Il a dit que j'étais comme elle" murmurais-je

"Comme ta mère?" avance t'il prudemment

"Oui" soufflais-je

"Qui a dit ça?"

"Lucas" murmurais-je

"Putain! Quel con!" grogne t'il

"Il avait mon dossier médical devant lui hier. Quelqu'un lui a fait parvenir à l'hôpital. Il est au courant pour Eliott"

"Comment ça ton dossier médical? Mais attends c'est confidentiel. Qui d'autre que toi ou un médecin peut avoir accès à ce dossier?" gronde t'il

"J'en sais rien. Et si c'était Cécilia? Lucas rompt avec elle, j'ai mes pneus crevés, puis maintenant le dossier médical. Tout en sachant qu'elle m'avait déjà vu avec Eliott au centre commercial" sanglotais-je

"Et Lucas dans tout ça?"

"Lucas n'était pas dans son état normal hier soir quand je suis arrivé. Il buvait. Du whisky. Ses mots ont été très durs. C'était à moi de lui dire. Pas à ce putain de dossier. Il a très mal pris le fait que je mentionne sa grand mère. Qu'elle était au courant. Je lui ai juste demandé de regarder dans sa boite à photos. Je ne sais pas s'il le fera. Il m'a demandé de partir. Ce que j'ai fais" avouais-je

"Il se calmera. Laisse lui un peu de temps Ondine"

"Non. Qu'il soit en colère après moi je le comprends. Mais qu'il me compare à ma mère, je ne peux pas accepter. Il ne sait rien de l'histoire. La personne qui a déposé mon dossier sur son bureau a très mal fait son travail, elle aurait du y ajouter celui de ma mère également" crachais-je

"Est ce que tu veux que je prévienne ton patron?"

"Appelle Sabrina. Dis lui....dis lui que je ne me sens pas bien ce matin et que je ne pourrais pas venir aujourd'hui" murmurais je avant de reposer ma tête sur l'oreiller

"Je m'en occupe. Un café? Ou autre chose?" propose t'il

"Non rien. Je vais dormir. J'ai besoin de dormir" marmonnais-je avant de fermer les yeux


Laissons Ondine se reposer, elle en a besoin.
Les parties suivantes seront consacrées aux échanges, parfois houleux, entre les différents protagonistes de l'histoire. Avec pour sujet principal de la discorde : Ondine

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