13. Le relais de chasse 2/4 (réécrit)

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Le silence des voyageurs permettait d'entendre le craquement des feuilles mortes et des brindilles sous les roues. La jeune Madison se lassa vite du spectacle inchangé qu'offrait sa fenêtre. Elle se leva plusieurs fois, sans but précis, à part celui de montrer son ennui aux autres passagers.

– Arrêtez de tourner en rond ! implora Anna. Prenez un livre, mademoiselle Luiset !

Elle reprit la lecture de son roman d'amour. Mais sa concentration ne dura que quelques minutes. Entre deux lignes, elle leva les yeux : Garrett rédigeait son rapport, entrecoupé par quelques secousses, Meadow Lance aidait Anna à finaliser les broderies d'un grand mouchoir, Antoine lisait à côté de sa mère qui parlait avec Tiam Nuegill. La conversation du médecin avec Chiévée de Fueller et Viola Spralt lui fit refermer son livre :

– Le Mont est un endroit exceptionnel ! s'enthousiasmait la duchesse.

La vendeuse de fleurs était avide de détails, elle qui n'était encore jamais allée là-bas.  Luiset réalisa qu'elle n'avait pas cherché à savoir à quoi pouvait ressembler sa destination, trop occupée à imaginer les retrouvailles avec son père et ce que serait sa fête d'anniversaire. Mais le Mont était connu dans le pays, c'était rare de rencontrer des gens qui n'en avait jamais entendu parler. Il comptait parmi les plus beaux endroits du territoire et, de par sa notoriété acquise depuis des lustres, elle n'avait pas tant fait travailler son imagination. Chiévée ne fit que décrire ce que chacun savait déjà : un village perché sur une grande motte de terre s'élevant au-dessus de la mer. Luiset était certaine que ce serait très beau, mais le plus précieux c'était son père. Elle se précipita, du mieux qu'elle put, vers Garrett qu'une secousse avait arrêté dans son écriture pour la énième fois.

– Vous continuerez plus tard, monsieur Jame ! dit-elle avant de s'asseoir à côté de lui, près d'une caissette qui contenait des vivres supplémentaires pour le repas du soir.

– Vous vous ennuyez encore. Je vais vous tenir compagnie.

Ils parlèrent jusqu'à la pause-déjeuner et encore après. Luiset lui montra ses œuvres, puis tenta quelques ébauches du portrait de l'apprenti. Mais elle était bien plus douée pour les paysages. Garrett s'essaya aux pastels mais sa représentation de Luiset se rapprochait plutôt d'un petit cochon, ce qui déclencha un tonnerre de rires. Ils ne se quittèrent que lorsqu'ils parvinrent à destination.

Le relais de chasse serait leur toit le plus rudimentaire au cours de leur voyage. Destiné aux chasseurs, il ne disposait que de quatre petites chambres et d'un rez-de-chaussée avec une table, dix chaises et un poêle à bois. Malty, Lieu et Garrett se chargeraient de les servir. Le garde-forestier, qu'ils ne rencontreraient que le lendemain, s'était occupé de la propreté du lieu et avait apporté des draps propres et des bougies neuves pour chaque pièce. Lorsqu'ils entrèrent, dubitatifs, ils furent accueillis par l'odeur nauséabonde de deux têtes de sangliers fixées à l'un des murs.

– Vous êtes sûr que nous ne risquons rien ici ? demanda Chiévée.

– Ouh ! Mais je ne dors pas là ! piailla Anna qui grimaçait tellement que même le médecin dût se ménager pour ne pas se moquer d'elle.

– Je parlais plutôt des dangers extérieurs, répliqua la duchesse qui n'était pas du genre à faire des manières malgré les apparences.

– Mais ça pue ! Pardonnez-moi mais...

Elle se pinçait le nez.

– Oh, Na... dit honteusement Luiset.

– Ouvrons les fenêtres, vous voulez bien. N'ayez aucune crainte, duchesse, le garde-chasse et son assistant savent dès que quelqu'un entre dans la forêt. Je vais moi-même veiller un peu cette nuit, et me lever tôt demain pour rester aux aguets.

– Je peux aussi protéger ces dames, ajouta Malty avec une œillade vers Anna et Viola.

– Merci Malty, mais pour nous mener à bon port, mieux vaut ne pas vous fatiguer, répliqua sèchement la tante Grimsey. Ah, on respire mieux.

Luiset Madison (Trilogie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant