Enfuis toi

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Tu l'as dit. Tu l'as enfin dit. Tu n'y arriveras pas. Tu n'arriveras pas à supporter qui je suis.


J'attendais ce jour depuis notre première rencontre, depuis le moment où tu m'as regardée et que tu as compris que nous vivrons un bout de chemin ensemble. J'ai essayé de te le dire, encore et encore, que je n'étais pas faite pour toi, ni même pour quiconque. Tu as tenté de m'ignorer, de ne pas comprendre ce que je disais et ressentais. Peut être, était-ce un challenge pour toi ? Essayer de t'approcher de cet être mystérieux et secret que je suis. Essayer d'obtenir des confessions de ma part, d'arriver à ouvrir cette boîte de Pandore que je cache en moi. Ou peut être était-ce juste par envie de m'avoir à tes cotés ?


Tu as donné un surnom à mes secrets et mon besoin de solitude. Tu l'as surnommé « bouclier », « ton bouclier ». Tu as essayé de le briser, encore et toujours. Tu as réussi à le fissurer, créant un lien psychique et physique entre nous. Tu as découvert certains de mes secrets pourtant si bien cachés. Tu es le premier à qui j'ai révélé des histoires hantées de mon passé, des moments étouffants encore mon présent.


Tu m'as réveillée. Tu as réussi à me faire ressentir des sentiments que j'ai tenté d'oppresser pendant des années. Grâce à toi, j'ai ressenti un attachement pur, voulu. Grâce à toi, j'ai ressenti un désir sincère, agréable. Grâce à toi, j'ai ressenti un sentiment de confiance envers quelqu'un d'autre que ma mère. Grâce à toi, j'ai ressenti la beauté que je pouvais dégager.


Tu as réussi à fissurer mon satané bouclier.


Tu l'as fait sans vouloir le comprendre. Tu n'as pas compris mes sautes d'humeur, mes journées black-out conversationnel, mes crises d'angoisse et de panique, mes journées au lit, mes moments de détresse. Tu n'as pas voulu voir cette partie de moi. Ces démons voguant dans mes veines et brisant mon cerveau.


Je me souviens de la première fois où tu as compris que je n'étais pas juste mystérieuse mais aussi dysfonctionnée. Je me souviens de ta tête tombant sur le coté, de ton regard tentant de percer dans le mien si j'étais sérieuse ou non, de ta bouche s'entrouvrant à cause de tes mots perdus. Je me souviens de mes paroles, dîtes, peut être un peu trop vite. Je me suis emballée, balançant toutes mes pensées, ne cherchant ni à te blesser ni à t'éloigner. Je voulais juste être sincère, fissurer une fois de plus mon bouclier. Mais cette fois ci tu as compris. Tu as découvert une part de moi qui ne te plaisait pas. Tu as compris dans quoi tu étais prêt à t'engager.


Je sais que tu as essayé de supprimer mes propos de ta tête. Mais je sais tu continuais d'y penser, encore et encore. Tu as eu peur de t'engager, de t'aventurer sur ce terrain inconnu que je suis. Pour autant tu t'es battu à voir en moi l'être que tu pensais que j'étais. Tu as agi, comme ci de rien n'était. Supportant mes pauses, mes besoins d'air, mes réflexions. Une part de moi te retenait et une autre faisait son maximum pour t'éloigner.


J'étais affectueuse et perdue. Tu étais affectueux et perdu.


Je t'obligeais à penser à ton passé, à te remémorer les bonheurs d'avant, tes bonheurs sans moi.


J'imagine qu'aujourd'hui j'ai eu ce que je voulais. Alors pourtant ai-je l'impression de m'être enfoncée encore plus profond dans le trou dans lequel j'étais déjà ?


J'ai arrêté de compter tes jours d'absence. J'ai arrêté parce que finalement, j'ai compris ce que j'avais perdu.


Je ne sais pas ce qu'il y a de pire. Te voir partir et me dire que j'ai réalisé une bonne action ou sentir chaque parcelle de mon corps brûler de douleur dû à ton manque ?


Plus de messages, plus de sourires, plus d'embrassades fougueuses, plus aucun moment ensemble. Plus rien. Tout a disparu. Du jour au lendemain. Tu n'es plus là et je me sens désemparée, comme brisée en deux. Encore une fois, j'ai tout fait foiré. Je ne me suis pas assez battue, pas assez ouverte à toi.


Je me dis que tu mérites mieux que l'être désorienté que je suis. Tu mérites quelqu'un capable de t'aimer, quelqu'un capable de t'offrir l'avenir que tu désires tant, quelqu'un capable de te placer sur un piédestal.


Alors je te regarde une dernière fois. Je regarde ce sourire en coin que tu portes constamment, ces joues barbues que j'aimais tant caresser, cette nuque que je dévorais constamment et ces yeux qui me faisaient me sentir belle. Je regarde tout cela une dernière fois.


Sur une photo.


Car tu as enfin compris.


Tu as compris que j'étais nocive pour toi.


Tu as compris qu'il valait mieux t'enfuir que d'être détruit.

De vous à moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant