Le manoir Pearl

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J'inspecte pour la dernière fois les quatre murs qui m'ont étreinte depuis 19 ans. Le papier peint rose pâle commençait à s'écailler à force de négligence. La fenêtre plantait au beau milieu, tout au fond, m'offrait une infime auréole de lumière. Mon petit confort ; un lit d'une place accolait à une table de chevet à l'opposer de la porte. Un béant trou s'était d'ailleurs malencontreusement invité au centre du matelas lors d'une soirée polochon qui a viré aux meurtres de trois lattes. Un crime dont j'étais moi-même l'auteur. Cet acte m'a valut une semaine de corvée, en plus de celle dont j'ai le devoir d'exécuter. C'est ainsi que va la vie à l'orphelinat de Bovert, depuis des années et sûrement pour de futures nouvelles années. J'étais habituée, je suis presque née ici, c'est ma routine.

Du moins ça l'était en tout cas, mais on ne reste jamais à l'orphelinat jusqu'à notre mort. J'aurais pu partir avant mais avec mes troubles psychologiques mon dossier n'était pas en règle.

Me voilà cependant, assise sur ma valise.

Je pars dans une famille qui n'en est pas une, c'est la seule information que j'ai réussi à obtenir en fouillant discrètement le dossier d'adoption. Je vais chez un vieil homme veuf ; M. Pearl.

Une brève information qui me suffit amplement, je ne souhaite pas vivre l'enfer d'une famille. Tous les problèmes qu'elle peut octroyer, toutes ces trahisons, tout cet amour abondant par les « liens du sang » ; on se sent vite mis à l'écart. Du moins, dans la plus part des cas.

-Crystal descends ! M'ordonne Joëlle de sa grosse voix.

Joëlle est la directrice de l'orphelinat, une grande femme opulente aux cheveux gris dont la plus part du temps sont attachés dans un parfait chignon. Elle porte toujours ses vieilles lunettes rondes qui retombent sans cesse sur le bout de son nez. Sa bouche est si fine qu'il est presque impossible de la voir. Elle ne sort jamais de son bureau sauf en cas de départ d'un pensionnaire. Une chose à laquelle je ne me suis jamais opposée pour vu de ne plus voir sa tête tirée vers le bas.

Je me lève, tapotant le bas de ma robe. J'avais opté pour de la mousseline blanche lorsque que je l'ai cousu mais j'ai finalement finis le dos en dentelle.

En temps normal, j'aurais laissé mes cheveux bruns vagabonder sur mes épaules mais pour l'occasion je me les ais tressé en prenant soin d'attacher avec un nœud de soie blanc le reste de cheveux trop court pour former une boucle.

« Allons-y. »

Je rejoins Joëlle, ainsi que toutes les autres pensionnaires venues en grand nombre pour mon départ, dans le vestibule. La première à me sauter dans les bras fut bien évidemment Jude, ma complice de bataille de polochon. Elle a été ma mère, mon père, ma sœur, mon frère mais surtout ma meilleure amie depuis mon arrivée. C'est peut-être la dernière fois que je verrais ce grand sourire toujours présent sur son visage à n'importe quelle heure de la journée. Elle est si belle...

Ses grandes boucles anglaises blondes embrassaient amoureusement l'ovale de son visage et rebondissaient sur ses épaules. Ses deux grands yeux bleus qui me fascinent depuis le début étaient encerclés par de longs cils. Ses pommettes rosées se mariaient à la perfection avec son teint basané dû à ses journées entières passées dans le jardin à prendre soin de toutes ses plantes.

Jude...la fille qui a bannit toutes ces familles d'accueils pour continuer de veiller sur moi, voilà qu'aujourd'hui je la trahis.

Je pose ma joue sur son épaule humant son parfum à la fraise, une odeur qui a déteint sur elle depuis sa passion pour ce fruit.

Elle déposa un baiser sur le haut de mon crâne et se détacha de moi. Durant un bref instant, je cru voir un voile d'ombre dans ses yeux. C'est la première fois, que cette expression apparaît sur son visage.

In the Soul : The Silver Eyes (Tome I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant