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Je ne sais pas trop où je suis présentement. Je n'ai pas vraiment moyen de le savoir parce que je n'arrive pas à ouvrir les yeux. Je n'arrive pas à bouger, plus précisément. Je sens qu'on m'a planté quelque chose dans le bras et j'entends les « bips » d'une machine proche ainsi que des pas affolés. J'aimerais simplement comprendre ce qui se passe.

-Dépêchez-vous, enfin! Elle fait une hémorragie interne! 

Bon, je sais donc que je suis une fille, c'est déjà ça. À vrai dire, je ne me souviens plus de rien. Je ne sais pas qui je suis, et je ne sais pas comment je me suis mise dans cette situation. Maintenant qu'on parle d'hémorragie, je déduis que je me trouve dans un hôpital. Pourquoi? Je n'en sais rien. Et honnêtement, c'est très frustrant. On ne se rend pas à l'hôpital pour rien. Quelque chose est arrivé, mais quoi?

Une période vient de passer. Je ne sais pas combien ça représente en matière de secondes, de minutes ou d'heures. J'ai perdu la notion du temps. Je sais simplement qu'on m'a retiré plusieurs morceaux de mon corps (je l'ai senti) et qu'on m'a ouverte au niveau du ventre pour arrêter le saignement. Les gens qui se sont occupés de moi ont dit que j'allais m'en sortir, qu'il fallait maintenant que je me repose. C'est assez stupide, je n'arrive pas à bouger ni à ouvrir les yeux, mon corps se repose suffisamment, je crois.

Je me suis sentie transportée et on vient tout juste d'arrêter le mouvement. On me relève un peu avant de me déposer sur une surface beaucoup plus moelleuse pour la tête. J'ai envie de soupirer pour montrer mon contentement, sauf que je n'y arrive pas.

J'ai vraiment envie de voir. J'ai vraiment envie de voir.

Mon vœu s'exauce. Je ne sais pas trop ce que je fais, mais je me sens propulsée hors du lit, au point où je tombe sur les mains et les genoux. Je n'ai pas mal. C'est comme s'il n'y avait pas eu d'impact. J'ai les mains sous les yeux et ce que j'y vois est plutôt étrange : j'aperçois le carrelage blanc du plancher à travers elles. C'est comme si j'étais limpide. Je ne saisis pas tout à fait ce qui m'arrive, je n'ai jamais vécu une situation pareille. Je commence à bouger les doigts de ma main droite. Je suis en mesure de les voir bouger, mais j'aperçois quand même le sol au travers de l'endroit où devrait être ma peau.

Je me pousse avec mes mains pour me remettre debout. Je me retourne vers le lit et je sursaute en voyant ce qui y prend place. Une fille est étendue, les yeux fermés, les bras tendus au-dessus de la couverture avec les paumes tournées vers le plafond. J'en déduis qu'il doit s'agir de moi.

En tout cas, j'espère que je me trompe, parce que cette fille est sérieusement amochée. Elle a un bandage tout autour de la tête, de nombreux points de suture à l'arcade, sur la joue et sur la lèvre inférieure. Ses bras ont été nettoyés, mais il reste encore un peu de rouge sous les couches des différents bandages. Elle aura plusieurs hématomes qui apparaîtront, c'est une certitude. Deux tubes transparents connectés à une machine lui rentrent dans le nez. Qu'est-ce qui lui est arrivé?

Je détourne mon attention de cette fille et regarde la pièce dans laquelle je me trouve.

Les murs sont blancs.

Le plafond est blanc.

Le plancher est blanc.

Le lit est blanc.

La porte est blanche.

C'est un portrait typique d'un hôpital.

La seule chose qui n'est pas blanche, c'est la fenêtre, qui est noire en ce moment. J'en déduis qu'il fait présentement nuit. Je dois vraiment voir quelle heure il est. Je regarde un peu partout dans la chambre et décide de m'avancer un peu. Je repère finalement une horloge. La grande aiguille pointe le neuf et la petite le trois. Il est donc deux heures quarante-cinq du matin.

Je me pose maintenant une question : comment me suis-je retrouvée à l'hôpital en pleine nuit?

Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer ces dernières heures?

J'essaie de me rappeler ce que je faisais, hier soir. C'est loin d'être gagné : j'arrive à peine à me rappeler qui je suis, alors essayer de me souvenir de ce que j'ai pu faire il y a quelques heures... J'arrive juste à me donner un mal de tête pénible.

La porte s'ouvre brusquement et je me fige. Il y a deux hommes, dont l'un porte une blouse blanche ainsi qu'une femme. Celle-ci a les joues creusées par des cernes qui sont pratiquement remplies d'eau tellement elle pleure. Je remarque qu'elle ressemble énormément à la fille étendue sur le matelas. En fixant l'homme qui ne porte pas la blouse blanche, je remarque également quelques ressemblances avec l'inconsciente : notamment dans la forme du nez et la couleur des cheveux. Les trois personnes se rapprochent. La femme se rue à côté de l'endormie et lui serre une main. Les deux hommes discutent à une certaine distance d'elles. Je me rapproche d'eux.

-Maintenant, on peut savoir ce qui se passe avec notre fille?

Ah, bien sûr! Ce sont ses parents. Je comprends maintenant mieux pourquoi ils se ressemblent.

-Je vais faire simple. Votre fille a été victime d'un accident de la route. 

ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant