Prologue - L'appel

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"Kali ! Kali ne court pas si vite !"

Abha courait après son chien, évitant les déchets qui jonchaient le sol du bidonville dans lequel il avait grandi. Ses pieds nus auraient pu être blessés dans cette course folle, mais ayant passé toute sa vie dans la pauvreté de Dharavi, l'orphelin ne ressentait plus aucune douleur à marcher sur des gravats.

Au détour d'une rue étroite, Abha ne s'attendait pas à ce qui allait arriver, Kali lui sauta dessus, le faisant tomber à la renverse, et lui lécha le visage.

"Stop Kali ! Stop !"

Le jeune garçon se débattait et rigolait à gorge déployée, tant il était heureux aux côtés de cette brave bête. Kali était entrée dans sa vie à un moment où il en avait le plus besoin. La mère d'Abha étant morte quand il avait huit ans, la jeune chienne, à la corpulence imposante et au poil long et noir, était devenue sa seule famille.

La chienne se décala pour laisser son ami se relever. Elle comprenait tout ce qu'il lui disait, et il était le seul à pouvoir la dompter. Elle se positionna à côté de lui pour l'aider à se mettre debout. Une fois fait, Abha frotta son bermuda pour enlever la poussière qui le recouvrait. Ce geste était purement symbolique car les ses vêtements étaient lavés dans les eaux sales du fleuve.

"Tu es une bonne fille ma Kali." déclara-t-il en souriant.

Cette dernière aboya tout en remuant la queue, et quand le jeune hindou frappa sa propre poitrine, elle se dressa pour poser ses pattes avant sur les épaules du garçon. Dans cette position, elle était presque aussi grande que lui. Elle frotta sa truffe humide sur le torse d'Abha pour réclamer une caresse à son maitre. Ce dernier lui gratta le haut du crâne, et il la prit dans ses bras.

Ce moment de tendresse, entre les deux amis, fut interrompu par un bruit provenant d'une rue non loin de là. Kali, curieuse, reposa ses pattes au sol et couru vers l'endroit en question.

"Kali reviens !" hurla Abha.

Ce dernier repartit à la poursuite du chien, ne voulant pas qu'elle le laisse. Il la retrouva cachée derrière un amas de carton, toute tremblante en train de couiner. Il se demanda pourquoi elle était dans cet état. Il comprit bien vite quand il tourna la tête. Un homme était à genoux, les mains attachées dans le dos et la tête baissée. Un autre homme se tenait derrière lui, pointant une arme sur sa nuque.

Conscient qu'il allait assister à un règlement de compte, il rejoignit Kali dans sa cachette, et posa un doigt sur sa bouche pour lui indiquer qu'il ne fallait pas faire de bruit. Il était courant d'entendre des coups de feu dans les environs, mais quand la détente fut pressée, que le bruit se fit entendre et que l'homme à genoux s'écroula, Abha écarquilla les yeux, serrant sa chienne dans ses bras. À douze ans, c'était la première fois qu'il assistait à l'exécution d'un homme.

Prenant conscience de ce qui venait de se passer, le jeune garçon paniqua et fit tomber quelques cartons qui les cachaient. Le bruit attira l'attention du malfaiteur.

"Qui est là ?" Demanda le tireur en se dirigeant vers les cartons.

Il s'approchait de plus en plus, et la panique du jeune garçon redoubla. Il savait ce qui allait suivre, et ne savait pas comment s'en sortir ou comment protéger son canidé. Perdu dans ses pensées, il ne vit pas que l'homme armé l'avait trouvé. Quand ce dernier lui attrapa le bras pour le sortir de son abri, son premier réflexe fut de se débattre.

"Tu te trouves au mauvais endroit au mauvais moment petit."

"Je n'ai rien vu, je vous assure." Plaida Abha, la voix tremblante.

Le criminel jeta l'orphelin au sol. Ce dernier s'écorcha les genoux, et les paumes de ses mains en tombant. Il se redressa difficilement, les mains ensanglantées levées au-dessus de sa tête, en signe de capitulation.

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