Assis près de la fenêtre, les genoux ramenés contre mon torse et mes bras les entourant, je regarde le monde extérieur. Je colle mon front contre la vitre et inspire profondément. Mon souffle crée de la buée que j'enlève avec une de mes manches. Je laisse ma main caresser cette paroi de verre qui me sépare de l'extérieur. Depuis toujours, ce monde est devenu ma plus grande peur. Je n'ose pas m'y aventurer. On m'a dit que c'est dangereux de vivre là-bas alors, je me suis enfermé dans mon propre monde dès mon plus jeune âge.
Malgré ma peur, je passe mes journées à la fenêtre afin d'observer cette vie inconnue. Un sentiment de joie m'envahit chaque matin quand le soleil se lève. Je ne me lasserai jamais de regarder ce phénomène, mais j'aimerais l'admirer d'un autre point de vue. Je crois savoir ce qu'est ce sentiment de joie. C'est le sentiment de vouloir découvrir le monde extérieur, l'envie de m'évader, de m'enfuir de ma prison. Je veux enfin partir à l'aventure et laisser de côté les préjugés qui m'ont influencé. Et puis, je ne suis plus un enfant. Je suis capable de prendre ma vie en main. Je serai capable de me débrouiller seul dans ce monde étranger. La curiosité prend place dans mon esprit. Oui, j'ai peur. Mais peur de ce que je vais trouver, de la vie que je vais mener. Et puis, je ferai certainement la connaissance d'autres personnes ; des enfants, des jeunes, des plus vieux. On fera un bout de chemin ensemble avant de se séparer. Peut-être que parmi ces personnes je trouverai mon âme sœur et on fondera une famille. Je serai alors l'homme le plus heureux.
Je partirai ce soir. Cette décision me déchire le cœur mais je ne veux plus vivre ici. Entendre les voix de ces personnes se considérant comme ma famille et mes amis, ça me détermine à voler de mes propres ailes. Ça me rend plus fort pour affronter l'inconnu. Ce soir, je m'enfuirai de ce monde qui m'étouffe. J'attendrai que tout le monde soit endormi pour préparer mon sac et franchir le pas de la porte.
Je passe donc le reste de la journée à imaginer un plan. Des feuilles déchirées ou roulées en boule jonchent le sol, juste sous la fenêtre. Je me demande si je dois laisser une lettre à ma famille pour les prévenir de mon départ. Je ne veux pas qu'ils se mettent à ma recherche en me croyant disparu. Non, juste leur dire que je suis parti à l'aventure dans ce monde qu'ils considèrent comme interdit et qu'ils ne doivent pas s'inquiéter pour moi. Un sourire fend mon visage et je commence à rédiger une lettre. Lorsque je suis satisfait de mon travail, je fouille dans les tiroirs pour trouver une enveloppe dans laquelle je glisse le mot. Je la ferme soigneusement et la dépose sur mon cœur quelques minutes. Je ne veux pas les rendre tristes mais j'ai besoin de prendre mes ailes et m'envoler dans ces contrées lointaines, de l'autre côté de cette fenêtre.
Le soir commence à tomber et j'attends avec hâte la nuit. Heureusement, la lune sera pleine et me guidera plus facilement. J'ai peur du noir mais je dois me montrer fort. Toujours installé près de la fenêtre, je regarde une dernière fois à l'extérieur. Dans peu de temps, je serais un homme parmi tant d'autres. Je serai enfin libre. Libre de mes mouvements. Libre d'aller où bon me semble. Libre d'être moi-même. Pour dire la vérité, je n'étais rien derrière cette barrière de verre. J'aurais pu la briser et sauter mais je n'ai rien fait. Quelque chose m'empêchait de le faire et me répétait sans cesse que c'était dangereux, que je ne survivrai pas à cause de ma fragilité.
L'heure arrive et je récupère mon sac-à-dos, noir et vieux. Usé par l'humidité et les mites. Il n'a jamais servi jusqu'à aujourd'hui. Je le remplis avec quelques vêtements chauds, une couverture, mon carnet de dessin et mon appareil photo. Lui non plus n'a jamais servi. Un cadeau d'anniversaire je crois. Je ne sais même pas s'il fonctionne alors je l'essaye et immortalise le paysage à travers la fenêtre. Les lumières artificielles permettent d'avoir une image plus claire. Je fixe la photo un instant puis la range dans mon carnet, après avoir écrit la date d'aujourd'hui. Date de mon départ. De mon envol. De ma liberté. Parce que je ne veux pas oublier.
Je respire un bon coup et ferme mon sac-à-dos. Je mets une veste chaude en rabattant la capuche sur ma tête et des chaussures confortables. J'attrape la lettre posée sur mon bureau et éteins la lumière avant d'ouvrir la porte de la chambre. Ça y est je pars. Je ne peux plus faire demi-tour. Je dois continuer d'avancer. Je vérifie que le voie est libre et m'engage dans les escaliers. Je traverse, sur la pointe des pieds, les couloirs et les différentes pièces de la maison. Je laisse la lettre sur la table de la cuisine après y avoir déposé une dernière fois mes lèvres et marche jusqu'à la porte d'entrée. Je tourne la clé dans la serrure et pose une main sur la poignée tout en tirant la porte vers moi. Le vent frais entre à l'intérieur et je peux le sentir contre ma peau. Je frissonne à ce contact. Mais de nouvelles questions se bousculent dans ma tête. Dois-je vraiment partir ? Que va-t-il m'arriver si je pars ? Vais-je me perdre dans ce monde si vaste ? Ai-je fait le bon choix ?
Je tire doucement la porte et finis par l'ouvrir complètement. Je fais un pas puis m'arrête juste sur le seuil, hésitant à le franchir. Allez Taehyung, tu peux y arriver. Je lève mon pied droit, ferme les yeux et le repose par terre. Ça y est j'ai réussi. J'entraîne ensuite l'autre pied dehors et ferme la porte derrière moi. Le vent ébouriffe mes cheveux, fouette mon visage. Je me sens plus léger, comme si mes démons ont disparu. Je me retourne et ouvre de grands yeux. Comme un enfant émerveillé devant ses cadeaux de Noël. Je ne bouge plus, contemplant tout ce qui m'entoure à présent.
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You never walk alone
FanfictionOn m'a dit que le monde extérieur est dangereux mais j'ai envie de le découvrir. Je partirai ce soir. Je volerai vers la liberté. Qui sait ce que je trouverai sur mon chemin?