V.

60 8 6
                                    


Je referme avec lenteur le recueil de poèmes que je viens de finir de lire et le range dans mon sac. Halmeoni avait raison. Ces poèmes sont très beaux. J'admire ce travail des mots et des émotions. Ce soir, j'écrirai aussi des poèmes. Sur mes rêves. Sur la nature. Sur tout ce qui me viendrait à l'esprit. Et je les illustrerai avec des dessins ou des photos. Ça sera mon jardin secret. Chaque poème sera une partie de mon âme. Car mon cœur parlera à ma place.

Je souris et m'allonge dans l'herbe. Le ciel est d'un bleu clair parsemé de petits nuages cotonneux. J'aime les regarder car ils ont souvent de drôles de formes. C'est dans ces moments que je retrouve mon âme d'enfant. Mais c'est aussi parce qu'aujourd'hui on est dimanche. Le seul jour où Halmeoni me laisse toute liberté. La semaine, je jongle entre les cours et les petits boulots en ville.

Ah ! L'été approche à grands pas maintenant. Je profite des beaux jours et de la chaleur pour sortir. Mais quand il pleut, j'aime rester avec Halmeoni à la maison. Elle me raconte des histoires ou nous écoutons de la musique. Mais ces moments se font de plus en plus rares. Ça me fait de la peine pour Halmeoni car mes absences se répètent sans cesse. Je pars tôt et rentrer à une heure tardive. Nous dînons de temps en temps ensemble. Alors pour que Halmeoni soit heureuse, j'investis mon énergie et ma volonté dans tout ce que je fais.

Toujours allongé dans l'herbe, je tends mon bras droit pour cueillir une fleur blanche. Je la fais tourner entre mes doigts et esquisse un léger sourire. Je me rappelle ce jour où Halmeoni m'a emmené dans cet endroit la première fois. Cela fait trois mois jour pour jour. Elle s'est arrêtée sous un gros arbre, juste en face d'un magnifique lac. C'est à cet endroit où je me suis installé. Parce que la vue est superbe. Je me souviens, nous étions arrivés très tôt pour voir le lever du soleil. J'avais sorti mon appareil photo et avais immortalisé ce moment. Je me souviens de ces paroles quand je lui ai montré la photo. Elle m'a dit que c'était beau et que j'avais un don pour capturer ces instants éphémères. Quand je lui ai demandé pourquoi, elle m'a répondu « tu verras » en souriant. Je n'avais pas compris ce qu'elle voulait me dire. Et puis, nous sommes revenus plusieurs fois, à des moments différents de la journée. J'avais encore mon appareil photo avec moi. Et toutes les photos s'entassent pêle-mêle dans un carnet. Au début, je voulais juste immortaliser la nature éphémère. Mais avec le temps, j'ai commencé à photographier tout et n'importe quoi. Et c'est là que j'ai compris les paroles d'Halmeoni. La photographie est devenue ma passion. Alors j'ai économisé pour acheter un appareil plus performant que celui que j'avais. Je le prends toujours avec quand je sors. Jamais je n'ai été aussi heureux et épanoui de toute ma vie.

Et en si peu de temps, ma vie a beaucoup changé. J'ai mûri et pris confiance en moi. Le monde extérieur ne me fait plus peur aujourd'hui. J'ai vaincu cette peur et à en faire une force. Grâce à Halmeoni. Elle me disait que pour vaincre sa peur, il faut l'affronter. Et elle avait raison. « La vie est dure mais il faut savoir l'apprivoiser », me disait Halmeoni pour me réconforter. Ça n'a pas été facile pour moi de se débarrasser des préjugés qu'on me lançait pour que je renonce à mes rêves d'aventure. Mais aujourd'hui, ces personnes ne sont plus là pour me dire quoi que ce soit. Elles ne sont plus rien pour moi, même si au fond, je n'avais que peu d'intérêt pour elles. Je ne regrette pas d'être parti. Au contraire. J'ai fui cette vie solitaire et d'ennui pour une vie meilleure aux côtés d'Halmeoni. Que serais-je devenu si je n'étais pas parti ? Personne ne peut le savoir, et à vrai dire, je m'en fiche un peu. Je suis bien plus heureux avec Halmeoni. Parfois, je l'appelle « ma sauveuse » car elle m'a sauvé d'une vie empoisonnée. Et parce que, grâce à elle, je suis enfin quelqu'un. Quand je me regarde dans le miroir, ce n'est plus un petit garçon timide, solitaire et peu sûr de lui que je vois, mais un jeune homme calme, souriant. J'ai changé. Métamorphosé. Mais j'ai toujours une âme d'enfant. Parfois, ça fait du bien de retrouver notre innocence pour oublier un peu la réalité. Aujourd'hui, il me reste des rêves à réaliser. Dont celui de devenir photographe.


You never walk aloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant