Amandine

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La sombre nuit grave dans laquelle je me tourmente, et des milliers de petites blattes qui montent et descendent sur ma table de travail. L'une d'entre elles s'arrête à côté de ma main, elle croit sûrement que je vais la caresser... mais je l'ai simplement écrasée ! Et la nuit des tourments s'empare de mon corps, et le sombre moment est froid. Le crépuscule et l'odeur infime de moisi dans ma pièce me mettent en effroi à la lecture de la lettre d'Érudite, ma triste connaissance, crispée elle aussi dans l'obscurité ; et le bruit acéré et tordant de la chouette perchée au bas de ma fenêtre. Elle m'effraie cette chouette ou peut-être est-ce un hibou ? Je ne saurais les reconnaître... Ce que je sais c'est que cette bête me regarde tous les soirs à travers la croisée de ses grands yeux diaboliques, tel un démon témoin de mon sommeil. Je me suis souvent senti oppressé à cause de cet animal, ô non... c'est un monstre ! Et ma bonbonne de whisky ne saurait trahir ma vision ; elle m'agace à s'emparer de ma vertu. Il luit dans la nuit et je songe tandis que je tombe de ma chaise, elle s'est froissée.
Misère, je pleure Amandine et Érudite, elles sont parties et je ne les reverrai jamais. Et la créature n'arrête pas de crier et je ne peux plus me concentrer, qu'elle me laisse en paix, moi je ne demande que cela à Dieu ! Pourquoi elle me fixe encore ; et le vent tourbillonne dehors, des branches d'arbres tapent à la fenêtre. Je crois qu'elles veulent entrer. Tout ce vacarme dans ma chambre, tous ces fantômes qui ne veulent pas sortir de ma tête. Je me lève et pars dans le salon, déambulant dans l'inconnu et pénétrant des couloirs trop étroits. Je sens le vent s'engouffrer dans ma maison. Ils désirent tous entrer. Je crois qu'ils ont l'intention de me tuer ! L'armoire aux vitraux et mon fusil ; je cherche des balles. Je m'affole et je vois la bête devant moi, statique, et voilà les balles. Je charge mon arme mais rien ne tient en place, je ne me sens pas libre. Le diantre a ouvert la fenêtre et veut me posséder, qu'il essaie, bien oui qu'il vienne jouer avec moi à la chasse. Amandine ! Tu sais que je t'aime ! Amandine ! Je sais que tu m'aimes !Là, ma carabine pointée sur mon cœur, je me rappelle mes souvenirs avec la belle Amandine, les balades, longeant le fleuve ; et des arbres en automne, et toutes ces feuilles jaunâtres sous nos pieds, tu vois que je me souviens Amandine, tu vois que je n'ai pas oublié... Tu es où maintenant ? Et je m'allonge sur le sol, l'arquebuse en direction de ma gorge et je pleure pour toi Amandine ; et Érudite est absente. Elle a rejoint le néant, je pense que tout va mal, je pense que je vais mourir Amandine. Mon amour, n'oublie jamais mon visage car tu ne le reverras jamais plus ; et Érudite non plus. Je vous maudis de me laisser mourir ! Là, la créature stoïque me contemple en souriant, elle non plus ne le verra plus ! Le doigt sur la détente et mes larmes de douleurs brûlant mon visage, j'appuie sur la gâchette, et un flot de sang jaillit de ma tête. Et Amandine se tient là, et me tend sa main. Comme tu es belle Amandine, jamais je n'ai voulu te faire souffrir... Elle s'enfonce dans la nuitée et mes yeux s'assombrissent ; et à présent Amandine, que vas-tu faire de ta vie ? Combien auras-tu d'enfants ? Vivras-tu assez longtemps pour les empêcher de sombrer comme moi, dans la déchéance ?

La Part des AngesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant