Clothilde récupéra son sac à main et sa veste dans son casier avant de quitter le Roi du Burger pour ce soir. Il était une heure du matin et le froid hivernal se faisait bien ressentir. Elle avait besoin de prendre une bonne douche chaude pour retirer cette mauvaise odeur de friture. Elle n'habitait qu'à dix minutes et pourtant elle avait toujours l'impression qu'elle mettait des heures pour rentrer quand elle finissait aussi tard. Des personnes malintentionnées pouvaient surgir de nulle part pour la détrousser, la tuer et la violer. Indifféremment dans un ordre ou dans l'autre. Le quartier où elle habitait était réputé pour ce genre « d'animation » mais elle l'ignorait lorsqu'elle était arrivée il y a six mois. Seul le prix du loyer relativement bas l'avait intéressée.
Arrivée au bout de sa rue, elle eut comme un malaise, l'impression d'être observée. Après quelques pas, elle risqua un bref coup d'œil par-dessus son épaule. Deux hommes semblaient la suivre. Elle pressa le pas. Si elle atteignait son immeuble et qu'elle passait son badge devant le digicode, elle pourrait se réfugier derrière la lourde porte en bois. Tout en marchant, elle fouilla dans son sac à la recherche du badge accroché à son trousseau de clefs. Elle entendit les hommes qui se rapprochaient dangereusement. Dans son empressement, elle reversa le contenu de son sac à main. Elle retint un juron alors qu'elle s'accroupissait pour se dépêcher de tout récupérer sur le trottoir. Les pas se rapprochaient encore. Ses mains tremblaient de plus en plus. Elle n'arrivait plus à attraper quoi que ce soit. Son cœur battait la chamade, sa respiration lui faisait défaut. Soudain, elle n'entendit plus les pas, n'osa plus bouger. Après quelques secondes, l'un des deux hommes rompit le silence :
— Voulez-vous de l'aide, gente damoiselle ?
Clothilde se retint de pouffer malgré la situation. Si c'était là sa manière de drague, le pauvre homme était mal tombé.
— Je veux bien, merci, répondit-elle.
Les deux hommes s'accroupirent afin de ramasser les affaires. La jeune femme remarqua leurs accoutrements peu communs. Ils portaient tous les deux une veste et un pantalon de velours mauve et une paire des bottines en cuir montant jusqu'aux chevilles. Une fois tout remis dans son sac à main et le trousseau de clefs retrouvé, Clothilde les remercia et entra rapidement dans son immeuble. Tout était silencieux, les voisins dormaient.
Pas totalement remise de ses émotions elle décida de prendre l'ascenseur pour monter au troisième étage. Elle posa son sac dans le couloir à l'entrée de son appartement puis retira ses baskets. Elle prit un pyjama propre sentant bon la lessive à la lavande et se dirigea vers la salle de bain. La douche lui fit un bien fou. Ca avait été une folle journée en ce début de vacances. Elle n'avait pas repensé à la visite cet idiot de Sylvain la veille qui avait déboulé la bouche en cœur. A postériori elle s'en voulait de lui avoir crié dessus. D'un autre côté, il l'avait bien mérité. Il avait été odieux de vouloir l'utiliser. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de revoir son visage triste. Quand elle fut sortie sa douche, elle se sécha et enfila son pyjama. Une petite brise glaça son visage quand elle entra dans le salon. La fenêtre était entrouverte. Elle eut un moment d'hésitation. Elle ne se souvenait pas l'avoir ouverte avant de partir ce matin. Avec un haussement d'épaules, elle alla la refermer. Un bâillement lui échappa. Lorsqu'elle rouvrit, elle se retrouva nez à nez un petit homme volant.
— Mon Prince va très mal à cause de vous, lui cracha-t-il, les ailes vibrantes de colère. Je ne l'ai jamais vu dans cet état.
— Qu'est-ce que ça peut me faire ? rétorqua-t-elle, indignée. Il n'avait pas à dire que de l'huile de friture coulait dans mes veines.
— Vous n'étiez pas sensée l'entendre.
— Eh bien je l'ai entendu. Maintenant pousses-toi, je dois dormir.
Elle l'écarta d'une main exaspérée. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle réalisa... Avec un hurlement, elle se jetant derrière le canapé. Sûre d'être bien cachée, elle risqua un regard au-dessus du dossier. Elle balaya la pièce du regard, elle ne le voyait plus. La fatigue lui donnait des hallucinations. Clothilde sortit de sa cachette et fila dans sa chambre. Elle se laissa tomber sur son lit, la tête face à l'oreiller.
— J'attendrais que vous soyez reposée, survint une voix à son oreille, la faisant sursauter.
Elle tourna la tête. Le petit homme était là. Elle hurla à nouveau en tombant du lit. Un poing exaspéré tambourina contre la cloison.
— C'est pas bientôt fini ? hurla un vieux grincheux au sommeil léger. Il y en a qui bossent demain !
Ignorant l'interruption, la jeune femme saisit une chaussure gisant au pied du lit. Elle se leva, la lança dans sa direction, le rata, et ramassa la seconde.
— Qui es-tu ?
— Je suis Oberon, futur roi du Royaume des Fées, serviteur et ami du Prince Sylvain de Tristejoie, héritier du Royaume de Lac de Cristal.
— Comment peux-tu exister ? Oh mon Dieu, je suis en train de rêver.
Elle lui lança sa deuxième chaussure. Levant la main, il la stoppa net.
— Non, je suis bel et bien réel. Si tu pouvais éviter de me prendre pour une Piñata, ça m'arrangerait. Je ne vais pas te faire de mal, j'ai besoin de toi.
Clothilde posa son doigt sur le ventre d'Oberon pour s'assurer qu'il n'était pas le fruit de son imagination.
— Supposons que tu existes, pourquoi es-tu là ?
— Je vous l'ai déjà dit, le Prince va mal ! Vous devez aller le voir !
— Pourquoi n'est-il pas venu lui-même ?
— À cause de la Garde Royale qui est à sa recherche ! Il reste caché en attendant qu'ils s'en retournent dans notre monde.
— Bon... je vais y réfléchir mais pas maintenant. J'ai vraiment besoin de dormir là. On verra demain.
Elle se glissa sous la couverture et s'endormit rapidement. Oberon décida de rester. Sa course à travers la ville l'avait épuisé et il avait mal à la base de ses ailes. Aussi se posa-t-il sur l'oreiller moelleux à côté de Clothilde et s'assoupit paisiblement.
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Le Prince Ridicule
FantasySylvain de Tristejoie, jeune Prince héritier du royaume de Lac de Cristal, décide un jour de quitter son monde pour ne pas avoir à sauver une princesse en danger. Il se réfugie avec un fée, Oberon. Dans un monde où la magie n'est que pure fiction, n...