L'éclipse

38 7 10
                                    


Elle est loin de nos yeux et mes doigts n'y vont plus ; interdit d'y toucher ! Ses pieds courent loin d'ici, on ne peut dire où, ni si cette course est heureuse ou triste...

S'est-elle enfuie, perdue en nuit, isolée pour bouder ?
Qui peut le dire ?

Elle, cette première lettre, dissimulée pour toujours et... vous voyez, elle court ; impossible de l'employer. C'est une grève ou un poil en pogne, on ne peut dire. Le pire, c'est que je ne peux comprendre pourquoi elle m'évite ; est-ce un jeu ? Oui, je suppose ; un jeu si connu, de ceux qui réveillent cet être en soi, cet être qui couvre le dos de penne et non l'esprit de peine. Une question demeure : ce jeu est-il drôle ? Moi, je le crois triste : quelle idée désespérée, cette timidité, que de se refuser... C'est pour moi une perte si énorme que mes doigts pleurent des mots lents d'émoi, telles les pluies violentes des mois d'été. Et mes mollets violets enflent de chercher, en ce texte, où elle peut être. C'est rompu que j'y renonce : je ne trouve en nul endroit son ombre. On l'entend, quelquefois ; on croit qu'elle rit, si près de nous ; et non, on ne voit rien ; ce n'est que sons ; que le vide intense d'une perte qu'on espère éphémère.

Des jeux de mollets courent sur moi pour compenser les pensées qu'on ne peut plus formuler depuis cette fuite de côté, puisque l'on ne peut plus fuir en directions différentes que le côté (et c'est peu opportun de courir en portune, ni très commode sur sol meuble)... Reviens, lettre tellement utile ; tu me vois, je le sens ; où es-tu, montre-toi !

Une vérité se révèle brusquement : sur le pupitre électronique, une touche est brisée et tout un texte s'invente ; une lettre en moins et nier devient dur (plus ou moins) ; c'est un temps si fréquent qui n'est plus présent (un temps incomplètement joli) ; c'est le verbe de possession et les possessifs de moi, de toi et d'elle qui se perdent (est-ce un complot communiste?) ; et c'est surtout une envie d'invention pour un esprit qui se mouche et qui louche (êtes-vous informés qu'il suffit d'une louche en bois pour que l'esprit se noie ?).

Oh, étoile de neige, territoire merveilleux, pourrons-nous te revoir ?

Euh...? Un moment... Que vois-je en cet horizon ? Oui... oui ! En force, elle réapparaît par magie ! De se cacher elle tâchait mais en vrai s'attachait ; lasse de ma déraison à l'aliénation, la voilà ! Ah, A, ma mie, où t'es-tu mise ; dans ta disparition, voulais-tu battre les E?

Ah, amie, tu m'as manqué !

Brèves (G. GEAUZ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant