On frappe à la porte. Fort. « Charlotte ! Charlotte, réponds, est-ce que tout va bien ?! » C'est Adèle. « Charlotte, mon cœur, sors d'ici. Tu nous fais peur ! » Et Maman. Tout mon corps me fait mal comme jamais. Je me relève péniblement et ouvre la porte, pour tomber sur trois paires d'yeux inquiets. Je m'avance et avant que Maman n'ait pu prononcer un seul mot j'attrape sa main et je la serre comme pour lui dire « ne t'en fais pas, ça va ». Sa main chaude me rend ma pression. Je me tourne alors vers Adèle et Ulrich. Il y a un silence, je cherche mes mots. « Je viens de voir. J'ai vu...tout. » Adèle blêmit. Ulrich écarquille légèrement les yeux. Ils comprennent, chacun à leur façon, que je viens de revivre une scène que je ne souhaite à personne de subir, ne serait-ce qu'en rêve. Je continue, je précise. « J'étais dans la rue. Et ce...ce vieux...malade, m'a agressée. Mais je crois... Je veux dire, je ne me souviens pas de tout puisque je ne sais pas ce que je fichais toute seule dans ce quartier-là. Enfin je sais pas ce qui m'a poussée à aller là-bas. » Ulrich fronce les sourcils, puis hausse légèrement les épaules. « Ça finira par te revenir, c'est sûr. Mais je pense que le plus dur est passé, Charlotte. » Il me sourit gentiment. Il a un joli sourire, très doux. Je reste un peu scotchée, je crois. Adèle me ramène à la réalité en enchaînant de sa voix un peu grave : « Tu devrais venir t'asseoir et manger un peu, Charlie, t'es toute pâlotte ma pauvre ! » Maman, qui a gardé ma main dans la sienne, me tire insensiblement vers la salle à manger et pose une main protectrice dans mon dos. C'est vrai, j'avais oublié : j'ai faim comme un ogre, et mon ventre vide qui proteste depuis tout à l'heure va enfin être entendu.
Je termine mon assiette sans prendre le temps de dire un seul mot. Mon estomac n'attend pas, il est prioritaire sur ce coup-là. Voyant que je vais bien, et que je suis entre de bonnes mains, Ulrich se lève. « Je vais vous laisser, je ne veux pas vous déranger plus longtemps. » Je ne m'étonne pas d'entendre la voix d'Adèle devancer celle de Maman et répondre précipitamment, en prenant un ton chaud : « Oh mais tu ne déranges persooonne, Ulrich ! » Et puis se retourner pour nous regarder, Maman et moi, et se reprendre maladroitement : « Enfin, je veux dire tu... Tu as sauvé Charlotte et... En tout cas moi, tu ne me déranges pas ! » Cette fois non plus je ne peux retenir un rire devant la gêne dans laquelle s'est mise toute seule ma meilleure amie. Elle est pathétique, c'est vraiment trop drôle. Je me reprends en constatant les trois regards posés sur moi. « Hum-hum. C'est vrai Ulrich, je ne t'ai pas remercié pour...cette nuit. Bon, faut dire que je me souvenais pas vraiment de tout avant il y a un quart d'heure, mais... Enfin, bref. Merci beaucoup. Je te dois sûrement...la vie, j'imagine ? » Maman se lève pour raccompagner Ulrich, mais celui-ci proteste gentiment. « Non non, ne te- ne vous levez pas, ne vous embêtez pas, je sais où est la sortie. » Il a un regard gêné, puis il se retourne et se dirige vers l'entrée. Alors qu'il ouvre la porte, je me lève soudainement et le rejoins sur le palier. « Ulrich, attends. Tu- Enfin je me demandais si tu voudrais bien revenir me voir de temps en temps... Tu sais, je pense que j'irai pas au lycée cette semaine, enfin après ce qu'il s'est passé et tout, et puis Maman qui est super protectrice – t'as dû le constater... Tu...tu accepterais de passer me voir ici pour discuter un peu ? Ça me ferait plaisir, j'aime bien parler avec toi. Voilà. » Il me dévisage et je vois un petit sourire émerger au coin de sa bouche. Il a l'air amusé, un peu, mais touché aussi. Il secoue la tête. « Oui, bien sûr. Je viens te voir, pas de souci. Alors à bientôt ! » Il me sourit encore une fois. La vache, ces yeux, cette voix ! Je comprends aisément qu'Adèle craque autant. C'est marrant, ça la rend super niaise, d'habitude les garçons n'ont pas cet effet sur elle. C'est elle qui contrôle la situation, et elle drague comme personne ! Mais là... La catastrophe totale. J'en ris encore.
Ulrich parti, je retourne dans la pièce à vivre. Adèle aide Maman à ranger mes couverts sales dans le lave-vaisselle. Je m'arrête, je me poste face à elles. « Je veux porter plainte. » Ma phrase à l'effet d'un coup de massue. Toutes les deux, elles arrêtent tout net ce qu'elles font, leurs gestes suspendus, et me lancent un drôle de regard. « Ben quoi ? C'est anormal de vouloir porter plainte après ça ? » Je m'installe dans un fauteuil pour trouver une position un peu confortable – évidemment, c'est impossible dans l'état où je suis – et je fixe ma mère et ma meilleure amie. C'est Maman qui réagit la première. « Charlotte... Je comprends, mais ce n'est pas une bonne idée, je... » « Pas une bonne idée ?! Maman, évidemment que c'est une bonne idée ! C'est même plus que ça, c'est simplement logique ! Toute personne sensée devrait avoir cette réaction après avoir traversé un truc pareil. » Elle a l'air déstabilisée. Je suis super étonnée qu'elle ne soit pas d'accord avec moi. Pas que ça ne nous arrive jamais, mais Maman est plutôt du genre féministe, enfin je crois... « Ecoute, mon cœur, je t'assure que ça ne t'apporterait que des ennuis. Tu dois surtout faire attention à toi, t'occuper de toi – et on est là pour ça... Mais, porter plainte... Ce serait s'engager dans quelque chose de trop grand pour toi. Tu es si jeune... » « Maman, je ne suis pas « si jeune ». Je suis bien assez grande et responsable pour m'occuper de moi et pour me défendre moi-même, si j'en ai la possibilité. Et là, ma seule chance de me défendre, d'obtenir justice – et ce n'est pas que pour moi ; pense à toutes les jeunes filles qui ont sûrement connu ça avant moi à cause de ce gros porc. Ma seule chance aujourd'hui, c'est aller voir la police. » Maman balbutie, à court d'arguments, mais toujours pas convaincue. C'est là qu'Adèle se réveille. « Moi je suis complètement d'accord avec toi, Charlotte. Tu dois aller voir la police. Rien que de repenser à ce qui aurait pu t'arriver... Ah, ça me débecte. Il faut porter plainte ou ce malade mental recommencera, et qui sait si cette fois-là il ne finira pas par tuer quelqu'un ! » Cette dernière phrase était adressée à Maman. Nous l'observons toutes deux, dans l'attente d'une réaction, d'une réponse. Après un silence, elle termine soudain de ranger toute la vaisselle sale puis, une fois fait, s'accoude au frigo, croise les bras et me fixe avec son regard déterminé. Mauvais signe. Inspiration. Longue expiration. « Je ne peux pas t'en empêcher, Charlotte, mais tu sais à quoi t'attendre. Et puis si tu veux vraiment parvenir à quelque chose, tu auras besoin d'Ulrich. Son témoignage est précieux, sans lui tu ne risques pas d'obtenir quoi que ce soit de très solide. » Ouah. Donc, Maman ne me soutiens pas. Je crispe la mâchoire, signe que je suis indécise. C'est vrai. Je ne sais pas ce que je dois faire. D'un coup je me sens seule, triste et fatiguée. Je regarde Adèle. « Bon, j'ai la force de rien faire, là. » Message reçu, elle s'approche de moi, me tire du fauteuil où je me suis affalée et m'emmène vers l'étage. Maman nous lance qu'elle nous appellera pour manger un bout à quatre heure trente, et que je ferai bien de me reposer. C'est exactement ce que je compte faire. Dans ma chambre, je m'étends avec précaution sur mon lit et exhale un long soupir de fatigue. Adèle se dirige vers la porte mais je la retiens : « Attends, j'ai vraiment pas envie de rester toute seule, là. T'as un peu de temps ? » J'aimerais bien regarder un film. Un James Bond, par exemple. Regarder des films toute l'après-midi avec ma meilleure amie, et oublier tout le reste oui, ça me paraît être une excellente idée.
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{Voilà où en est Charlotte aujourd'hui ! Bon, j'avoue avoir bien galéré à trouver un titre à ce chapitre, c'est vrai qu'il n'y a pas d'incident majeur... Mais bon, la pauvre Charlotte a bien besoin de se reposer, alors patience ^^
Réagissez ! Je ne demande que ça :) Et puis si ce chapitre vous a plu, pensez à voter ;) On se retrouve vite pour le prochain chapitre :D D'ici-là portez-vous bien !}
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Charlotte
General FictionElle se réveille dans son lit, elle a mal partout, elle ne se souvient de rien. Où était-elle ? Que faisait-elle ? Avec qui ? Et surtout, qui est ce jeune homme qui apparaît dans ses flashs de mémoire et qui se tient là, à côté de sa mère ? Quel rôl...