chapitre treizième

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Il est déjà 9 heures quand je quitte l'auberge. Un léger brouillard s'étend devant moi et la nuit commence doucement à tomber. Loin des éclairages incessants de la ville, la pénombre est plus présente.

Je salue Irina et la remercie pour tout, puis me dirige vers le chemin de terre qui se fond dans la forêt. Le temps nuageux crée une curieuse atmosphère presque surréaliste.

Quitter la jeune femme et sa maison laisse en moi une sorte de manque, et j'ai hâte que la boule dans mon ventre disparaisse. Comme si j'avais encore des choses à faire, à voir, des merveilles à découvrir, dans le savoir de l'aubergiste.

Je m'enfonce dans la forêt, tentant de mettre un pied devant l'autre sans trébucher dans la pénombre. Je prie pour que ce chemin soit le bon, il ne manquerai plus que je me retrouve dans un village inconnu au beau milieu de la nuit...

Mon téléphone s'éteind après plusieurs minutes, me signifiant qu'il n'a plus de batterie. Super, c'est tout ce qu'il me fallait.

Malheureusement pour moi et surtout pour les autres, j'ai une forte tendance à m'énerver pour un rien. Comme par exemple en ce moment-même, jurant à chaque fois que mes jambes butent sur un caillou.

J'ai vraiment besoin d'une clope.

J'essaie tant bien que mal de garder à l'intérieur de moi le cri qui menace de sortir.
Putain, c'en est trop.

Soudain, comme une cascade d'eau glacée sur mon corps, tous les souvenirs que je voulais refouler parce qu'ils me tourmentaient trop, resurgissent. Je vois le sourire carnassier d'Ock et sa façon de me provoquer; je vois ma sœur et sa manie de penser que tout va bien, tout ira bien, mais non, c'est pas ok, je ne suis pas bien, on est tous né pour mourir alors à quoi bon, au final?

Mes mains partent presque tremblantes chercher un petit paquet blanc et rouge dans mon sac. Je le regarde nerveusement et laisse mes doigts triturer le papier cartonné.
J'hésite un temps avant d'enfin l'ouvrir ; par habitude, l'une de mes mains part chercher un briquet dans ma poche et l'autre porte une cigarette à ma bouche.

Et puis il y a mes parents, de gros bourgeois avides d'argent et de control, ils doivent m'avoir renié depuis longtemps, mes vieux, c'est vrai, je ne suis pas allé dans la bonne école, autrefois, j'aurai dû choisir une université haut-placée, où j'aurai dû apprendre le commerce, l'économie et toutes sortes de choses qui donnent un sens à leur piètres vies de riches, mais non, j'ai renoncé à leur autorité et ils ont renoncé à leur fils.

J'allume ma cigarette en hâte, comme une porte de sortie à ce foutoir qu'est mon esprit en ce moment. La nicotine me traverse la gorge rapidement, et sans même m'en rendre compte, j'essaie de garder la fumée dans la bouche le plus longtemps possible, sans respirer.

Je prends une grande respiration, puis tousse à en perde les poumons. Je ferme les yeux, pour éviter de divaguer encore plus.

Dans le pénombre de mon esprit, un visage se dessine. Il a l'air de me regarder avec insistance, et hésite à parler. Je reconnais bien vite le jeune androgyne téméraire. Sans réfléchir, je donne un coup de point devant moi, dans ce que je pense être de l'air, du vide.

Mais le vide ne se sent pas, il n'est pas dur, or, ce que je touche avec ma main semble doté de chair.

"Putain, mec, mais t'es vraiment perché!"

C'est à ce moment que je comprends que, dans ma colère, je ne m'étais même pas rendu compte de la présence du châtain devant moi. Je lâche ma cigarette pas encore terminée sans me soucier du fait qu'elle ne soit pas éteinte.

Me sentant ridicule dans cette situation, je me mets à courir dans le noir. Je suis faible de m'être trouver dans cet état devant lui, si j'avais pu, j'aurai tout donner pour ne pas que ça se produise. Mais il était bien là, devant moi, sûrement à me regarder avec dégoût ou pitié. Il est plus jeune que moi et doit se moquer devant une telle faiblesse de ma part.
J'ai toujours le paquet de cigarettes dans mon poing, et m'arrête un peu pour le ranger dans une poche.

Une main se pose sur mon épaule. Par reflex, je me retourne et pousse violemment mon agresseur. Nous tombons tous les deux sur le sol dur, et je sens une pierre plus pointue que les autres me rentrer dans les côtes.

"Mais t'es vraiment décidé à me tuer, toi!

- C'est toi qui m'a fait peur, je n'ai fait que me défendre!"

Nous nous relevons avec difficulté; même dans le noir, ses yeux sur mon corps semblent brûler. Je détourne le regard en essayant de ne pas paraître trop bête et prie pour qu'il ne parle pas de ma crise de nerf.

Les secondes passent et il ne dis rien, se contentant de me fixer. Décidé, je lui tourne les talons et me remets en route. Jasmin soupire.

"Tu ne sais même pas où tu vas.

- Je sais très bien quel est le chemin, merci.

- Mais bien-sûr, dit-il, ironique.

- Et toi, pourquoi t'es là? T'as réussi à laisser tes vaches et ton toutou seuls? Ça va, ils te manquent pas trop?"

Je ne peux pas m'empêcher de le taquiner, il a un point d'avance sur moi. Je suis sûr la défensive, attendant le moment où il se foutra de ma gueule pour une raison ou une autre.

"Pourquoi t'es méchant, comme ça?

- Pardon?! j'explose, non, ne me fait pas passer pour le méchant de l'histoire, de nous deux, c'est toi le pire, c'est toi qui a commencé et m'a insulté, sans raison, d'ailleurs."

Je me décide enfin à me tourner vers lui. Il porte les mêmes habits que tout-à-l'heure, et a toujours cet air innocent sur le visage. Je reste longtemps bloqué sur son regard, cherchant ne serait-ce qu'une once de moquerie.

Mais rien, il paraît seulement perdu ; tout comme moi, finalement.
Mes pieds prennent une direction que je pense être la bonne et étrangement, Jasmin me suit.
Je souffle et décide de changer de sujet.

"Au fait, tes gâteaux sont très bons.

- Merde... Irina t'en a fait goûter, pas vrai?! son regard cherche désespérément une échappatoire dans la pénombre.

- J'étais sincère, tu es un bon cuisinier, Jasmin.

- Ta gueule, siffle-t-il en osant à nouveau me regarder dans les yeux"

Je rigole un peu et le dévisage une seconde fois. Son corps semble si frêle dans la nuit. En regardant avec plus d'attention, je remarque qu'il a l'air de boiter un peu. Bien qu'il continue de marcher sans s'arrêter où se plaindre, on peut facilement se rendre compte qu'il se mord la lèvre quand sa cheville s'appuie trop sur le sol.

" Tu t'es fais mal? je demande, plus inquiété que provocateur."

Par reflex, ses yeux se dirigent vers sa cheville droite. Une lueur d'angoisse traverse son regard et sa bouche s'entre-ouvre.

"C'est rien, juste une égratignure quand t'es tombé sur moi.

- Tu es vraiment sûr?

- J'ai pas besoin d'un second tuteur, Jude!"

Fâché qu'il ne reconnaisse pas sa faiblesse, j'accélère la cadence, et guette ses réactions.
Au bout d'un moment il s'arrête, met tout le poid de son corps sur sa cheville valide et prend la parole.

"Jude attend! Ok, c'est bon, je l'admets. J'ai mal à la cheville et putain, t'es presque plus têtu que moi!"

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Bonjour,
je suis assez satisfait de la longueur de ce chapitre, bien qu'il ne me plaise pas fondamentalement.
Merci de continuer à me donner des avis ou des conseils,
et merci de me lire,
Eden

Portés par le vent | bxbOù les histoires vivent. Découvrez maintenant