Chapitre VI

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Sélina avait mal. Mais dire qu'elle avait mal à cet instant était un euphémisme. Elle était déchirée de douleur. Cette fille massive sans aucune compassion continuait de la frapper, dans le ventre notamment. Courageuse, elle ne voulait pas montrer ce qu'elle ressentait. Si elle le faisait, elle se mettrait à crier, pleurer et hurler de douleur et de tristesse. Pourquoi ça tombait toujours sur elle? Pourquoi personne ne l'appréciait? Enfin… Elle n’était pas non plus angélique et elle repensa à la façon dont elle avait parlé au jeune garçon très aimable, Mathias. Elle se sentit faible. Soudain elle crut entendre un bruit. L'élève de première avait arrêté momentanément de la brutaliser. C'en était enfin terminé. Peut-être que Sélina saignait et avait l'air d'un monstre avec tous les hématomes, elle devait  tellement faire peur que la grande fille forte devait avoir abandonné. Sélina réussit à ouvrir un œil. Agathe! Elle paraissait si sûre d'elle et dégageait une force intérieure très puissante. Aouch! Sélina venait de se reprendre un coup de pied dans le ventre. Elle n'en pouvait plus. Elle lâcha un petit pleurnichement. Elle regretta aussitôt car la grande fille continua de plus bel.  Sa brûlure sur sa joue s'intensifia puis diminua fortement. Elle n'avait plus mal. Elle pouvait ouvrir ses yeux sans aucune difficulté. Quand elle le fit, elle vit l'inimaginable.  Les cheveux d'Agathe flottaient dans l'air ainsi que ses vêtements. Les portes des toilettes s'ouvrirent violemment. La porte en verre se brisa et la grande fille fut projetée contre un mur.  Sélina tenta de se lever, mais toutes ses forces s’étaient évaporées et elle s’écroula de plus belle. Agathe, sortant de la transe qui l’avait comme possédée ces dernières secondes, vit sa camarade sur le sol et couru vers elle pour l’aider. Elles n’échangèrent pas un mot pendant qu’Agathe inspectait les dégâts quant au ventre de Sel. Ses gestes étaient doux et fluides mais lorsqu’elle effleura la peau couverte de bleus de celle qu’elle avait sauvée d’autres coups, elle ne put qu’accentuer la douleur ressentie par Sel mais aussi celle de sa nuque.

-Laisse, ce n’est pas grave… chuchota doucement la rescapée. Agathe restait muette les yeux écarquillés. Il faut que tu m’aides, avant que quelqu’un n’arrive.

Alors, la boxeuse passa son bras autour de la hanche de Sélina et la souleva. L’autre ne se tint pas à elle et lui dit d’un calme surprenant:

- Écoute… il faut que tu exécute exactement tout ce que je t’ordonne de faire. Compris?

- Quoi?

- Compris? Insista-t-elle. Bien. Je veux que tu ne parles pas et encore moins que tu cries ou paniques pendant les prochaines minutes à venir.

En guise de réponse Agathe hocha la tête. C’est alors que cette dernière compris ce que voulait dire la nouvelle élève si sérieuse.  La bouche bée, aucun son ne pouvait sortir de sa bouche. L’eau qui stagnait sur le sol carrelé s’agita, se déplaça vers les traces de pas boueuses où quelques gouttes de sang perlaient, nettoya le tout et retourna dans les lavabos en porcelaine blanche.

- Il faut que tu m’aides à rejoindre les deux filles, d’abord celle avec toutes les coupures. Pendant ce temps, tu fermeras toutes les portes.

Livide, Agathe fit ce qu’elle lui demanda, sans rien demander, sans doute choquée. Sélina put donc soigner l’élève de première. Elle trempa un mouchoir dans une boule d’eau qui flottait aux côtés des deux jeunes filles et  tamponnait contre les coupures qu’elle avait sur son menton, son front et ses poignets.

- Elle a beaucoup de chance, affirmait la nouvelle, ça aurait pu être vraiment plus grave. Ses plaies sont superficielles, donc elle n’aura qu’à désinfecter régulièrement et mettre quelques pansements. Bon, c’est au tour de l’autre.

La pièce était calme, Agathe exécutait les ordres de Sel .Elle fit apparaître des coussins d’eau fumants qu’elle posa sur le dos et le visage de sa patiente musclée. Ces petits sacs d’eau ne mouillaient pas la jeune fille évanouie mais chauffait les régions endolories de son corps et atténuaient sa douleur.

- Il faut aller prévenir la vie scolaire pour la porte, mais vite, avant que ces deux autres brutes ne se réveillent.

Agathe hocha de la tête.

Pendant que j’irai, va à l’infirmerie, et tu pourras aller t’allonger un peu, tu es très pale… elle s’approcha de son visage et d’un ton très persuasif, lui dit, bien entendu, tu ne parles de cet incident à personne et je t’expliquerais plus tard quand tu le voudras.

Sans attendre, elle alla au deuxième étage du bâtiment principal pour faire part de la porte fracassée, qui lui valut trois heures de colle et une lettre d’excuse à écrire à l’intention du principal et des agents de ménage de l’établissement. De la fenêtre du bureau des surveillants, elle aperçut ses deux bourreaux sortir des toilettes,encore un peu endormies.

Agalina [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant