Prologue

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- Je suis sûre que tu deviendras toi aussi une très puissante sorcière ma chérie, me dit maman avec tendresse en m'ébouriffant les cheveux.

Je la regarde avec un grand sourire. Hannah est une magnifique sorcière à la chevelure aussi auburn que la mienne. Elle lance un sort afin de ranger sa penderie, voulant ainsi m'épater, moi sa fille de cinq ans, qui ne possède pas encore de pouvoirs. Les dons des sorcières ne se révèlent qu'à l'âge de huit ans environ, m'a expliqué maman. Aussi dois-je attendre encore trois longues années avant de devenir aussi incroyable qu'elle.

Je la regarde avec admiration, fascinée par le moindre de ses mouvements. Elle arrange un bouquet de roses blanches dans un vase ancien, posé sur sa commode. Le doux parfum des fleurs envahit la lumineuse chambre de maman. Tout en elle respire la joie de vivre et la tendresse. Je me sens tellement heureuse de partager ce moment magique avec elle. Elle m'a promis que, lorsque je serai plus grande, elle m'apprendra tout ce qu'elle sait faire.

Une douce berceuse s'élève dans l'air et c'est avec une voix enfantine que j'accompagne maman pour le refrain.
Tout à coup, j'entends un bruit étrange provenant du rez-de-chaussée de notre maison. Maman réagit tout de suite, me pousse dans sa penderie, et referme la porte du placard sur moi. Le visage affolé, elle m'ordonne de rester cachée, de ne pas faire de bruit et de ne surtout pas me montrer, quoi qu'il arrive.
Je ne comprends pas ce qui se passe mais j'obéis, effrayée par son comportement.
La porte de la chambre de maman s'ouvre brusquement et deux hommes vêtus de longues capes noires font leur entrée. A travers la serrure de mon placard, il m'est impossible de voir leurs visages cachés sous leurs larges capuches noires. Ils s'avancent lentement vers maman qui ne bouge pas d'un pouce. Et moi je recule silencieusement vers le fond de la penderie. Je ne sais pas qui sont ces hommes, mais ils me font peur.

- Que me voulez-vous ? Demande maman d'un ton agressif.

- Ce que nous voulons ? Rigole un des deux hommes avec une voix méchante. C'est simple, nous voulons supprimer un monstre de plus de ce monde.

Le visage de ma mère devient pâle et elle jette un regard discret dans ma direction, me transmettant tout son amour, puis regarde à nouveau les deux hommes d'un air fier ce qui énerve le second qui bondit sur elle.

- Je vais vite effacer cet air supérieur de ton visage, sale sorcière ! Crache l'homme.

C'est drôle, pour moi le mot "sorcière" a toujours été un mot que je prononçais avec fierté, mais dans la bouche de cet homme, il sonne plutôt comme une abomination.

- Arrête de parler avec ce monstre et finissons-en, reprend le premier homme d'une voix dure.

Après, tout se passe très vite. Par lévitation, maman décroche les deux poignards qui étaient suspendus au-dessus de la cheminée et en levant les bras, elle les envoie dans leur direction. Un des hommes l'esquive mais l'autre n'en a pas le temps, le poignard vient se figer dans son épaule droite. Il pousse un hurlement de douleur et de rage. Aussitôt, maman essaye de lancer un sort pour neutraliser les deux hommes, mais ces derniers ont prévu ce coup et brandissent dans sa direction un objet empêchant ses pouvoirs de les atteindre. Avec une rapidité surprenante, le premier homme attrape maman, tandis que le second, qui a toujours un poignard enfoncé dans l'épaule, plante une dague dans sa poitrine.

Mes yeux et ma bouche s'agrandissent d'horreur mais aucun son ne sort de ma gorge serrée par la terreur. A ce moment je sais que ma maman est en danger et je m'en veux de ne pas encore avoir de pouvoirs pour l'aider. Mais que puis-je faire ? Maman m'a ordonné de ne pas bouger ! Mais qu'est-il en train de se passer ?
Les deux hommes la relâchent et elle tombe lourdement sur le sol. Celui qui a fait du mal à maman attrape la garde du poignard toujours dans son épaule et le retire d'un coup sec en grimaçant. Il le jette à terre avec violence et envoie un coup de pied dans le ventre de maman qui lâche un faible cri de douleur.
Puis ils s'en vont comme ils sont arrivés. Cependant, alors qu'ils partent, leurs capuches tombent et je peux apercevoir les visages de ceux qui ont attaqué ma gentille maman.

Encore sous le choc de ce qui vient de se passer, je ne réagis pas tout de suite mais quand j'entends une plainte provenant de maman, j'accours vers elle et m'agenouille à ses côtés. Je vois très vite que du sang s'écoule de sa poitrine, beaucoup de sang. Bien plus que lorsque je suis tombée la semaine dernière et que mon genou s'était mis à saigner. Sans trop savoir quoi faire, je mets mes mains sur sa blessure, essayant tant bien que mal de retenir le sang qui coule abondamment.

- Anastasia, ma fille, je suis désolée, je vais te laisser bien plus tôt que je ne le pensais...

Maman essaye de sourire mais cela se transforme en grimace de douleur.

- Maman ! Maman ! Attends, mais qu'est-ce que tu racontes ? Pleuré-je.

- Ça va aller ma chérie, tu vas t'en sortir je le sais, tu vas devenir très puissante, articule-t-elle avec peine.

- Pourquoi veux-tu partir ? Ne me laisse pas maman je t'en supplie ! Pour- pourquoi est-ce que ces hommes t'ont fait mal ?

- Ce sont des Chasseurs, Anastasia, ils nous chassent depuis toujours, ne les laissent jamais t'avoir ma chérie, jamais, tu m'entends ?

- Oui maman je te le promets, mais on va te guérir et tu n'auras plus mal.

- Non ma chérie, s'en est fini de moi. N'oublie jamais, mon trésor, de croire en toi, tu deviendras tellement forte, je le sens ! Mais même si tu ne me vois plus, je serai toujours avec toi ma chérie, maman ne te quittera jamais, je serai toujours dans ton cœur.

- Je t'aime maman, dis-je le cœur serré par le chagrin qui m'étouffe.

- Maman est très fière de toi ma chérie, je t'aime tellement, sois forte...

Les derniers mots de maman ne sont qu'un murmure. Je sens son cœur s'arrêter de battre sous mes mains, elle cesse de respirer. Et ce n'est que maintenant que je réalise l'horreur qui vient de se produire. Maman est morte.
Les larmes dévalent sur mes joues pour finir leur course sur le doux visage de la sorcière immobile. Je reste encore longtemps là, agenouillée près de ma mère, fixant ses yeux vides. Je ne sais pas quoi faire, je suis totalement perdue. Je me relève finalement, après avoir fermé ses magnifiques yeux verts et j'essuie mes larmes. Je dois devenir forte pour elle, comme je le lui ai promis.

Au fond de mon cœur je sens naître un sentiment nouveau : de la haine envers ces Chasseurs qui viennent de m'enlever ce que j'aimais le plus au monde et je me promets de venger la mort de ma mère.

Aliumnos-L'EnsorceleuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant