partie 4: Le prix

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  Charles, je te présente Blondine; ou appelle la comme tu veux, de toute façon elle est à toi! Tu me la prend pour combien?

  L'homme regarda Eliot, puis Elisabeth. Il s'approcha de la jeune fille avec un petit sourire. Elle gloussa et baissa les yeux quand l'homme lui toucha les cheveux.

  Il respirait fort, avait des yeux bridés et portait des vêtements décorés du plusieurs carrés de métaux différents. Il n'était ni jeune ni vieux, juste écoeurant.

  Charles balada ses mains sur les épaules de la jeune fille et plongea soudain sa main froide sous le vêtement de coton qu'elle portait. Elisabeth manqua pousser un cri. Elle était dégoutée. L'homme lui touchait la poitrine, caressait sa peau auparavant si pure, osait promener ses doigts sur les tétons, la chaire blanche. Elisabeth se sentit frissonner d'horreur. Elle avait la gorge nouée, la mâchoire et les poings serrés.
L'homme retira alors ses mains et déclara:

- Je te la prend pour dix pièces.

- C'est trop peu, déclara Eliot. J'ai eu du mal à l'avoir! Et en plus elle est blonde! Tu en as beaucoup des blondes peut-être?

  Charles inspira profondément, méditant sur le marché qu'on lui proposait.

- Vingt pièces, pas plus.

- Je sais que tu la revendras cents pièces minimum, j'en veux au moins la moitié!

- Cinquante pièces? Nom de Dieu Eliot jamais je n'achète une femme à ce prix là! Tu ne sais même pas si elle est vierge!...

  Le coeur d'Elisabeth loupa un battement. Si elle était vierge? Bien sûr qu'elle l'était! Elle n'avait jamais eu l'occasion d'être déflorée! Elle n'avait jamais connu personne d'autres que quelques voisins, et encore: elle ne trainait qu'avec ses frères étant enfant...

- ... Je te la prend pour trente pièces, pas plus. C'est ma dernière offre.

  Eliot hocha la tête.

- Très bien, fit-il, va pour trente pièces!

  Les deux hommes échangèrent la monnaie et se serrèrent fermement la main.

- Fais-en bonne usage, elle court vite et elle est débrouillarde! C'est tout ce que je sais sur elle.

  Charles attrapa Elisabeth par les épaules, lui donnant une nouvelle envie de vomir.

- D'accord, et comment tu l'as appelée déjà?

- Blondine.

  Charles pencha son visage vers la jeune fille et souffla tout sourire:

- Je vais bien m'occuper de toi Blondine!

L'haleine acide de l'homme lui fit tourner la tête. Elle avait envie de pleurer mais aucune larme ne sortait. Elle était asséchée de désespoir, son âme en avait trop vécue en trop peu de temps, ses émotions étaient épuisées...

  Quand Eliot partit l'homme appela quelqu'un. Une jeune fille enceinte aux longs cheveux bruns arriva. Elle regarda Élisabeth de ses grands yeux noirs.

- Occupe toi d'elle, Annie. C'est ma nouvelle marchandise, j'en tirerai au moins deux cents pièces alors prends en soins!

  Il poussa Elisabeth vers elle.

- Ma jolie, je te présente ma femme Annie. Elle va te prendre en charge le temps que je te trouve un acheteur. Sois bien sage, d'accord?

  La jeune brune s'approcha et tendit la main à Élisabeth. Celle-ci regarda simplement les doigts de l'adolescente sans bouger. Mais où était-elle tombée? Et comment une fille aussi jeune pouvait-elle être enceinte d'un homme aussi vieux? Alors que la paralysie s'installait dans son esprit, Annie lui attrapa la main et la tira avec elle. Sans trop réfléchir Élisabeth coopéra et suivie la jeune fille. Elle ne devait guère avoir plus de son âge, quinze ans tout au plus, mais elle avait déjà une forte poitrine et un enfant dans les tripes!

  Les deux femmes arrivèrent dans une autre hutte où logeaient des esclaves de tous âges. Elles la regardèrent entrer d'un air mauvais qui lui glaça le sang. La hutte était de taille moyenne en peaux et en bois, avec une fenêtre au plafond. Au centre de la pièce crépitait un petit feu à coté duquel étaient placés une table et un grand bassin d'eau. Dans la hutte se trouvaient également des couchages et des tas de vêtements et de nourritures. Le ventre d'Elisabeth gargouilla en voyant cela.

- Les filles voilà une nouvelle marchandise, expliqua Annie, Charles y tient alors ne la battez pas à mort comme la précédente s'il vous plait... C'est juste un conseil si vous ne voulez pas finir avec les doigts coupés.

  Battre à mort? Les doigts coupés? Elle n'était pas sérieuse au moins? Ces filles avaient déjà battu quelqu'un à mort?

  Elisabeth baissa les yeux en voyant que ceux de ses camarades la démantelaient. Il devait y avoir une dizaine de filles en tout, mais aucune ne semblait être aimable à première vue.

  Annie guida Elisabeth près du bassin d'eau et commença à déboutonner sa tunique encrassée.

- Comment tu t'appelles? lui demanda l'adolescente.

  Elisabeth ne répondit pas. Annie leva les yeux vers elle et murmura:

- Tu sais, maintenant que tu es ici ta vie va être pourrie, mais moi je veux juste être gentille d'accord? On est toutes passées par là, on a toutes été un nouveau lot de marchandise, tu peux me faire confiance... Alors même si ta vie a dû être terrible depuis quelques temps j'aimerais vraiment savoir ton nom.

  Elle se tut et se remit à déboutonner le vêtement.

- Elisabeth, dit-elle doucement.

  L'adolescente fit un petit sourire. Elle souleva alors la tunique encrassée et défit le noeud du pantalon d'Elisabeth. La jeune fille se retrouva nue au milieu des regards prédateurs. Annie retira également les bandages qu'elles s'étaient fabriquée, et le pendentif en pierre de soleil qu'elle avait autour du cou. Elle commença à laver Elisabeth. Sous les passages de l'éponge elle sentit la douleur de ses plaies s'éveiller, mais très vite elle s'habitua aux picotements. Elle laissa Annie la nettoyer et la soigner. Au bout d'un moment celle-ci alla chercher une tenue et la lui tendit.

- Elle devrait être à ta taille, j'ai posé ton collier sur la table si tu veux le récupérer. Et si tu as besoin de quoi que ce soit tu peux demander à l'un des hommes devant la tente. Ils sont là pour veiller à ce que tu ne sortes pas.

- Merci...

- Ce n'est rien. (L'adolescente lui tendit également une paire de souliers) Et si tu as des questions demandes aux filles. Elles ont l'air peu sympathiques comme ça mais il va falloir que vous vous entendiez un certain temps. Fais en sorte de ne pas te pourrir encore plus la vie, je dis ça pour toi.
Elisabeth hocha la tête et Annie sourit. L'adolescente attrapa un panier posé devant la porte et s'en alla.

  Elisabeth enfila alors la tunique que lui avait donnée la jeune fille, puis noua la longue jupe verte qui allait avec autour de sa taille. La dizaine de filles l'observait toujours sans rien dire, mais Elisabeth s'en moquait de plus en plus. Elle fixa le corset en cuir des femmes du sud que lui avait donné Annie, et reprit son pendentif.

  Elisabeth dévisagea les femmes pendant quelques secondes et s'alongea finalement sur l'une des couchettes libres, sans un mot, sans un bruit. Elle était prête pour la suite, peu importe de quoi elle serait faite.

Abandon Humaine (PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant