Kris.

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Jeudi, 27 août 2017.

Café à la main, cellulaire dans l'autre, je me dirige vers l'entrée des étudiants sac à dos sur les épaules.
D'un matin d'août, 8:00 est près de sonner à l'horloge tel un shooter de vodka après minuit, pendant que les élèves, eux, hibernent encore leur été du haut des trottoirs. Les gens piétinent, gigotent, se plaignent du peu de temps qu'ils restent de leurs vacances derrière leur cellulaire ouvrant Snapchat où tout autre application pour but de documenter cette honorable journée. Il pleut pas dehors, quoi que je suis à l'intérieur, dehors le soleil est totalement fonctionnel, une bougie brûlante de vie,  un beau 30 degré affiché sur l'onglet Météo de ton iPhone.

Appuyé le dos sur un mur tel un matelot, je connais personne. Un nouveau dans ce vieux monde. Un nouveau de la campagne dirait-elle. De sa faute, j'en ai eu marre des paysages verts et de l'étendu des champs à perte de vu. Je voulais voir du gris et explorer ce qu'il y a au bout de mon nez.

Mais je suis venu ici par quête d'aventure si l'expression ne paraît pas trop comme celle de Bilbon Saké. J'y cherche quelque chose que je connais pas encore, peut-être un futur assez prometteur. Gandalf dirait que ce doit être une manière d'oublier mon passé et toute la merde que j'y ai fait. Une manière de simplement oublier mes stupides erreurs.

Première journée d'école rime avec première classe. Quitter les couloirs pour se rendre dans les classes. J'ai mes écouteurs sur les oreilles et ma musique dans la tête: je regarde les gens se précipiter avec stress et rapidité vers leur salle de classe pendant que moi je dévisage mon cellulaire plutôt que ma montre. Le temps compte mais les textos aussi. Ma mère qui me souhaite une bonne première journée d'école et Émilie qui me demande si elle veut aller prendre un verre. J'ai pas le temps de répondre. J'ai pas envie de répondre.
Sortir ma main gauche de ma poche est un effort que je peux préserver.
La cloche tourne un peu trop lentement, les retardataires aussi, mais mentalement, pendant ce temps les anxieux sont derrière leur chaise en train de graver leur nom dessus.
Moi, et bien je suis en retard, mais pas assez pour me sentir visé.

Je regarde ma montre; il me reste 2 minutes pour me rendre en classe. Local 202, cours de psychologie avec Monsieur Brown.
Premier cours de ma première session du cégep.

- Asseyiez-vous je vous pris.

C'est le prof de psychologie qui parle. Il a l'air d'être dans la quarantaine, assez petit, lunettes, cheveux noir et yeux bleus. Un regard songeur et profond. Je suis assis en arrière de la classe près de la fenêtre.

- Bon retour des vacances. Je m'appelle Nicolas Brown et je suis votre professeur de psychologie cette année. J'ai pas l'intention de vous faire la grosse présentation vous allez en apprendre beaucoup sur moi juste en m'écoutant parler. J'suis bin simple comme prof, mon cours va être le fun si vous êtes le fun aussi, c'est du donnant-donnant.
Je regarde autour de moi, zéro et une barre, il n'y a personne que je connais.
Monsieur prend une pause, suivi d'une gorgée de son café et regarde au fond de la classe.
Quelques secondes passent, il regarde encore le point invisible derrière moi.
"Qu'est-ce qu'il regarde?"
Je me suis retourné en même temps que tous les autres vers l'arrière pour voir qu'est-ce qu'il pouvait bien regarder.
- Arrêtez de regarder y'a rien, dit-il en riant, Psychologie sociale. C'est le premier sujet que l'on va aborder. Vous venez de vivre votre première expérience en regardant en arrière de la classe simplement parce que je regardais là.
Il a l'air sévère.
Des rires se font entendre. Il prit une autre pause, s'assit sur sa chaise et mit ses pieds sur son bureau.
- Y'a pas vraiment de règles dans ma classe. Je veux juste que vous écoutiez et que vous ne soyez pas gêné de poser des questions. J'ai pas envie de vous présenter le plan de cours parce que c'est long et plate donc on va plonger tout de suite dans la matière.
Tous les autres ont acquiscés en riant.
J'ai oublié de rire.
J'ai sorti mon cahier de note, mon crayon, mes talents d'écrivains improvisés et mon premier cours avait déjà commencé.

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17:15.

Journée terminé, crayons abîmés et cerveau fatigué, je peine à me lever. Etant couché sur le gazon devant l'entrée du collège, j'ai encore avec ma musique dans mes écouteurs, le vent me carresse comme un enfant qui cherche de l'attention.
J'essaie d'oublier ma journée qui fut plus pénible que je l'imaginais, fatigante presque ennuyante.
J'avais seulement 3 cours, donc la majeure partie de ma journée fut passée a gribouiller du n'importe quoi dans mon cahier et essayer de mettre des mots dans un poème incomplet.

- Hey c'toi le nouveau? dit une voix masculine que je peine à entendre pas très loin derrière moi.
"On me parle?"
J'enlève mes écouteurs, me retourne et vois une silhouette masculine se diriger amicalement vers moi.
- Nouveau?
On est tous nouveau ici, sauf les finissants, je ne vois pas de quoi il parle.
- Bah t'as l'air de connaître personne donc j'assume que t'es nouveau, dit-il avec un sourire au coin.
- J'suis pas d'ici,  dis-je sèchement.
- T'es d'où?
- Rigaud.
Il rit.
- T'es dans ma classe de psycho et socio pis j'avais remarqué que dans ces 2 cours là t'étais assis complètement en arrière pis tu parlais à personne faque j'me suis dit pourquoi pas venir te parler."
- Les légendes disent que je préfère parler à des filles.
Il rit.
- Écoute moi aussi, je m'excuse de pas avoir un vagin.
- Pas chanceux! dis-je en riant
Il vient s'asseoir près de moi et poursuit:
- C'quoi ton nom?
- Kris avec un K.
- Moi c'est Joey avec un rien, juste Joey.
Je replace mes cheveux de ma main droite.
La circulation sur le Boulevard Crémazie est étonnament intense.
- C'était pas si pire comme première journée sachant que je connais personne, dis-je.
- Tu vas t'habituer, les gens sont pas mal cool ici.
- J'espère, c'est pour ça que je suis venu ici.
- Rencontrer de nouvelles personnes?
- Ouais, j'me suis dit que le monde en ville sont peut-être plus nice que ceux à campagne.¨
Il semble satisfait par ma réponse.
Il regarde sa montre et fronce les sourcils.
- J'commence la job dans 30 minutes, j'te laisse, on se voit demain?
- Ça marche, je dis en lui serrant la main.
- Show! dit-il en s'éloignant.

Je suis encore assis dans l'herbe et je regarde les derniers étudiants quitter le campus. Pendant qu'il quitte l'école  je quitte la réalité pour me laisser aller autre part, calmement en fermant les yeux et laissant la musique envahir mes pensés.

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Assise sur le quaie, ses cheveux encore mouillés, sa peau à peine humide mais son corps pas très timide. Le bleu de ses yeux ressortent, ses joues cajolées par les rayons du soleil rougissent laissant sortir les minuscules taches de rousseurs qui vont jusque sur son nez. L'eau aussi calme que son regard, s'étend au loin et vient se briser sur la rive en effleurant les roches comme le temps fait avec la vie. Le soleil, encore une fois, ombre l'eau de sa lumière reflettant sur l'eau seulement ce qui mérite m d'être vu par elle et moi. Accompagné par le soleil il y a des oiseaux qui viennent peupler le ciel de d'autre chose que des nuages. Vers l'horizon on peut appercevoir des gens sur leurs bateaux qui préfèrent polluer l'eau plutôt que la boire. Je me dis qu'elle est belle, que la couleur de l'été va bien avec le bleu de ses yeux. Elle se retourne en souriant. Je détourne les yeux. Elle me fixe et moi moi je fixe le paysage. Je ne peux pas la regarder, je ne peux pas regarder une autre fois le bleu éclatant de ses yeux. Je peux pas me baigner aussi facilement dans son regard comme je le fais dans la mer.

- Kris?
"Pourquoi mon nom?"
- Kris?
"Arrête"
- Regarde-moi.

Je l'a regarde. Elle me regarde. Elle s'approche de moi, prend ma main et enveloppe ses bras autour de moi. Approchant sa bouche de mon oreille elle me chuchote:

- Je t'aime.

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Il n'a pu de son, ni de lumière. J'ouvre les yeux et réalise qu'il fait à peine nuit, je peux appercevoir au loin le soleil qui se couche. Le ciel a une teinte orangé avec un peu de rouge à certains endroits. Il fait chaud, encore, et un léger vent vient accompagner la température d'une réconfortante soirée d'été.

Je regarde mon cellulaire. Il est 16:46

J'ai somnolé presque 2 heures. Je n'ai même pas soupé et normalement je devrais être rentré vers 5 heures.

Je me lève, replace mes cheveux, enlève mes écouteurs, marche vers l'arrêt de bus et regarde une dernière fois le ciel. Une mer de sang. Les nuages qui rappellent les vagues d'un volcan, le soleil qui disparait, les oiseaux qui s'envolent.

Un bonheur qui disparaît pour laisser place à une mare de souffrance.

Titre [En cours d'écriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant