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Le va-et-vient des vagues, le murmure de la brise dans les hautes herbes, l'odeur de lamer et le parfum du sable humide. La chaleur du soleil matinal et le froid du vent auquel se mêlent des gouttes de sel. Dans le ciel d'hiver, aucun nuage, mais trois mouettes. Au-dessus de tout,spectatrices de la colère de la mer qui vient se jeter contre l'immobilité de la terre, elles sont reines des cieux. Sur la route,un rugissement soudain : celui d'une moto.

Sur le bitume rendu humide par les embruns, Séamus accéléra, encore et encore,toujours plus vite. Il aimait la vitesse, la sensation d'être à la fois hors du temps et hors de l'espace. De ne plus appartenir au monde. Il ne se sentait jamais plus vivant que lorsqu'il était lancé à pleine vitesse. Il se sentait libre. Libre d'aller où bon lui semblait, libre de toutes contraintes. Il se sentait le maître du monde. Le grondement sourd du moteur emplissait sa tête et la morsure du vent salé était comme autant d'épines sur sa peau. Mais c'était précisément cela qui lui plaisait et lui donnait l'impression d'être en vie.

DocMartens bordeaux délavé aux pieds. Vieux jeans déchiré. Veste de tartan bleu ayant autrefois appartenu à son père. En-dessous,un t-shirt « Los pollos hermanos ». Le tout aussi vieux et usé que le jean. Et le grondement du moteur, toujours, qui brisait le calme violent du bord de mer.

Il se pencha légèrement pour épouser la courbe du virage, sans toutefois ralentir l'allure.Le vent soufflait dans ses cheveux en bataille et hurlait à ses oreilles, lui criait des menaces, des encouragements, des mises en garde. De nouveau sur une ligne droite, il fit rugir son moteur et accéléra encore. Entre ses jambes et sous ses mains, la moto vibrait de toutes ses forces et il lui semblait qu'elle se changeait en un étalon incontrôlable. Mais, bon cavalier, il raffermissait toujours sa prise sur son destrier et lui montrait qui était le maître. Puis la voiture le percuta de plein fouet.


 La route les recrachent,lui et sa moto. Quand il atterrit sur le dos, l'air est expulsé de ses poumons. Sa tête heurte violemment le sol. Son bras, en partie écrasé par la moto, se tord en un angle improbable. La moto lui compresse le torse et lui coupe pour de bon la respiration. Il voit d'abord des étoiles, puis la nuit noire qui tombe en voile.

Wait and SeaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant