[1] HÉLÉNA EST UNE BELLE SALOPE (part1)

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< ARIZONA ~ Kings of Leon ? >
< PRIDE ~ Syntax ? >

ce chap est extrêmement long, c'est pourquoi je le publie en 2 parties ; j'en suis navrée, je pense que ce sera le seul de toute l'histoire

bonne lecture, et n'hésitez pas à laisser des com', des cadeaux ou même des gâteaux, c'est comme vous voulez

On avait dit à HAROLD que ses années de lycée seraient les plus belles. Celles où, enfin, il pourrait faire de sa gueule cabossée un abîme de sourires charmeurs, une concentration excessive et débordante de connaissances futiles, d'expériences sur les rebords des fenêtres, au clair de lune, sous la lumière froide des réverbères de la rue, de milles et une photos, de ces cœurs auxquels il aurait rallié le sien, tissé les liens qui, malgré lui, lui aurait laissé pour l'éternité un goût âcre d'une douleur vive au fond de la gorge, qui brilleraient au fond de ses yeux. Parce que l'on avait dit à Harold qu'il serait heureux, qu'il serait triste, qu'il vivrait comme ces petits adolescents des beaux quartiers, ou ceux délurés à danser au bord du vide sur une vieille musique country, électro-pop, au creux d'une nuit aux effluves de cigarette, au fin fond d'un bar dont les néons éclaireraient les lèvres de celle qui ferait chavirer le cœur, le temps d'un poème et de quelques nuits, de l'adolescent en quête de sens, en quête de vie au milieu de ce qui l'enracine. On lui avait assuré qu'il apprendrait à savourer ce qu'il aurait le bonheur de trouver sur sa route. Que bien sûr, tout ne serait jamais rose, mais qu'il finirait par sortir indemne de cette expérience, et que son regard voguant sur les voix mélancoliques qu'il se projetterait en revenant aux marches de son passé tumultueux le guideraient dans sa quête.
Qu'il aura trouvé, qu'il aura su, qu'il aura vu. Qu'il sera bourré de tout ce que tout le monde rêve de contenir dans ses poumons mais que personne n'a jamais réellement entendu venir d'un fracas assez fort pour qu'il puisse laisser penser qu'il existe. On lui avait juré qu'il serait apprécié, et qu'il s'apprécierait lui-même. Et Harold y avait cru.


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MERCREDI 04 SEPTEMBRE

Blurdston. Ça sonnait pittoresque. Comme un vieux parallèle avec les collèges de prestige Américains. Ça sonnait comme ce gamin qui déglutit, envoyant balader sa salive aux quatre coins de sa bouche, mastiquant le vide. C'était presque trop laid pour ces colonnes de sept pieds. Presque trop royal pour ces dalles maculées de dessins puérils. Presque trop banal. Et puis au final tout le monde s'en foutait, je pense. Lorsque je voyais ces visages mi-confiants, mi-blasés, je savais que personne n'allait remarquer la mauvaise blague que cachait ce nom, certainement décerné par un type libidineux, acteur du dimanche soir à la guinguette du coin de la rue, ayant eu assez de fric pour pondre son idée en pierre disposées les unes sur les autres. Et finalement, j'étais plutôt enthousiaste. La veine d'être tombé sur un nom stylé qui résonnerait comme un nom stylé dans les oreilles de toutes ces filles au sourire naïf que je pourrais aborder dans la rue. Je m'imaginais déjà, le coude sur le capo de ma berline, les lunettes de soleil sur le nez, alors que leurs pupilles décriraient des cercles à l'entente de mon accent, se posant sur mes lèvres, étirées en un sourire plus que suggestif. Puis la nuit étoilée, le milk-shake à la cerise et les draps parfumées à l'ambre. Ça m'arrangeait beaucoup plus qu'un truc du style Burnon. Au fond, si cette situation venait à se produire un jour, j'éluderai tout simplement la question.

Cet établissement n'avait rien de très exceptionnel. Deux ou trois étages pour chaque bâtiment. Une cour centrale munie d'un préau aux allures monastiques. Des couloirs, des escaliers, d'autres couloirs, blancs, à l'insonorisation douteuse, une cafétéria plutôt diner d'où l'angle de vue s'étendait jusqu'à la jointure des deux murs d'où partait le plus long couloir qu'il m'ait été donné de voir. De là, on accédait aux toilettes du lycée. C'était un espace exigu, à l'opposé total du reste du bâtiment. Aux allures de débris de guerre, aux peintures décrépies, aux vitres brisées, au silence de mort. Personne ne semblait avoir mit les pieds dans cet endroit depuis des lustres. Des odeurs de pisse, soutenues par celles du sang. J'en tremblais de peur. Quel genre d'établissement laissait croupir ainsi l'élément dans un tel état de décomposition à faire vomir? Aucune trace de vie humaine ne résonnait dans l'endroit, et pourtant, il me semblait que les peintures étaient toutes fraîches, sur les murs devenus arc-en-ciel, ponctués de mots indéchiffrables au sens parfois tragique. Puis j'étais finalement retourné dans la cour dans laquelle s'agitaient les sourires et les rires des trois générations d'ados cloîtrées dans ces murs.

SyroseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant