Chapitre 12

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Je suis assise sur mon lit. C'est un meuble blanc et froid, recouvert d'un drap bleu ciel parfaitement disposé sur un matelas dur et peu confortable. De grands casiers font face aux rangées de vingt lits qui meublent le centre de la pièce. Chacun comporte une étiquettes avec le noms des élèves. Le mien a une étiquette blanche et propre, différente des papiers jaunis et usés de mes camarades, signifiant bien que je suis nouvelle. Je sors des vêtements de ma valise et les dispose un à un sur les étagères de mon casier.


J'ai pu faire brièvement connaissance avec les autres filles qui logent dans le dortoir. Elles ont des silhouettes fines et élancées, beaucoup de bracelets de toutes les couleurs sur leurs poignets, des décolletés vertigineux et des jupes courtes. Elles font claquer leurs talons hauts d'un bruit sec sur le pauvre carrelage de la pièce et refont leur coiffure toutes les deux secondes. En gros, elles sont les parfaites reproductions des filles de mon ancien lycée qui s'acharnaient à balancer des photos stupides de moi sur Instagram. A côté d'elles, j'ai l'air d'une pauvre fille aux cheveux imitant ceux de Fifi Brindacier. Génial !


Je me laisse tomber sur mon lit et fixe l'horloge accrochée au-dessus de la porte. Neuf heures et trente et une minutes.


Je jure (ce qui n'est pas dans mes habitudes), attrape ma veste bariolée et sors du dortoir en courant vers le bâtiment d'accueil. Je manque de me tordre maladroitement la cheville en trébuchant sur une branche qui se trouve sur mon chemin et m'agrippe à une ronce dont les piques tachent ma main d'une couleur rouge. Je mords ma lèvre inférieure et entre dans la bâtisse beige et orangée.


J'ouvre la porte de la salle 18, celle où toute l'école se réunit à chaque rentrée et où se déroulent les évènements exceptionnels. Quand elle se referme, elle claque dans un son strident et des petites têtes au regard interrogateur se tournent vers moi.


-Bravo, Mademoiselle Duvinier ! A peine êtes-vous entrée à Grimm que vous vous faites déjà remarquer ! A votre place, j'aurais honte de venir avec quarante minutes de retard, déclare sèchement Madame Garnier.


La directrice se tient sur une scène, devant une foule de personnes se composant d'environ huit cent élèves âgés de seize ans à vingt ans, assis sur des sièges identiques à ceux que l'on retrouve dans les salles de spectacle. Madame Garnier me fixe avec des yeux si ronds qu'ils me donnent l'impression de sortir de leurs orbites.


Je fusille du regard les filles de mon dortoir, qui le fuient aussitôt en se retournant d'un air innocent vers Madame Garnier. Quand elles sont parties, elles avaient très bien remarqué que je ne venais pas avec elles au rendez-vous fixé à neuf heures et devaient me prévenir. Mais elles m'ont ignoré et abandonné comme une vieille chaussette.


Super. Moi qui pensais rencontrer des personnes plus intelligentes que celles de mon lycée ! Quelle naïve ! Les filles sont toutes pareilles ! Il n'y a que moi qui sort du lot, avec mes satanés cheveux qui ne peuvent pas être teints d'une couleur normale !


Une main se lève au-dessus de la foule et me fait signe de venir. Je m'approche et reconnais le visage souriant et détendu d'Ethan. Je prends place sur le fauteuil voisin et nous nous taisons lorsque Madame Garnier continue son discours de bienvenue, d'une voix fausse et mielleuse quand elle nous souhaite une excellente année scolaire.

Si j'étais... [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant