-Méline? Où es-tu chérie?
-J'arrive maman!
Victorieuse, je mettais enfin la main sur ce que je cherchai : mon téléphone, dissimulé sous mes couvertures.
Je descendis les escaliers quatre à quatre, me sentant légère comme une plume.Le samedi.
Le jour de la libération.
Ma déprime d'hier? Je ne voulais pas y penser. Tout allait bien dans le meilleur des mondes. Pas question de laisser une anecdote entacher ma bonne humeur.Je trouvais maman occupée à vérifier une dernière fois ses affaires de sport.
-Je vais à la zumba ma puce, papa est allé aidé le voisin avec son imprimante, Chloée est encore en train de dormir, et le chat est dehors. Tu as la maison pour toi si on peux dire.
Je hochais la tête, souriante. Maman ne rentrerai pas avant une heure et demie, et connaissant Chloée, elle ne se lèverait pas avant au moins onze heures. Ce qui me laissait tout le temps de finir mon livre tranquillement en pyjama, chose qui se faisait rare en ce moment.
Je regardais la porte se refermer sur la tenue flashy de maman et, comme une espionne investie d'une mission secrète, restais là immobile à écouter la voiture sortir du garage. Je comptais trente secondes une fois que je n'entendis plus les cailloux rouler sous le poids du véhicule. Bien. Il y avait trois minutes de route jusqu'à la salle, il restait donc six minutes -dix pour être large- pendant lesquelles maman pouvait revenir chercher un objet oublié. Ensuite, j'étais définitivement tranquille pendant approximativement une heure et vingt minutes. Il me restait deux chapitres, j'aurai assez de temps pour me laver, m'habiller et me pencher sur mes devoirs comme si j'y étais depuis le départ de maman. Elle ne se douterait de rien.
Je remontais, le sourire aux lèvres, préparant des vêtements sur le lit au cas où maman passerait devant ma chambre en revenant chercher l'éventuel objet oublié, puis me lovait dans le petit espace entre mon bureau et ma bibliothèque, mon oreiller sous les fesses, mon livre à la main. Là, j'étais protégée du monde. Personne ne viendrait me chercher.
Et enfin, je lu.
C'était une histoire comme je les aime : fantasy, avec de la romance et une intrigue originale qui tenait la route. Mais si, vous savez, un de ces gros bouquins à la couverture simple mais superbe, avec un résumé court qui ne révèle pas toute l'histoire à l'avance? Un de ceux qui sentent bon le papier neuf puisqu'il n'est que rarement ouvert? Oui, de ceux-là.
Au bout d'une petite heure, je refermai mon trésors avec nostalgie. Encore une histoire finie, un livre de plus sur l'étagère déjà bien chargée. Le cœur gonflé des aventures de l'héroïne, envieuse de son histoire d'amour, jalouse de son bonheur. Ça me faisait mal de la quitter, elle qui finalement me ressemblait plutôt mais, dans un an, je savais que je la retrouverai; dans le prochain tome.
Je pris mes vêtement d'un geste las et parti me laver. Sous la douche, je repensais à ses aventures et rejouait des scènes dans ma tête. Je m'imaginai en face d'elle, lui parlant, la serrant dans mes bras. Lui demandant la recette du bonheur.
Je secouais la tête, refusant de repenser à mon état d'esprit ces derniers temps mais, bête que je suis, ce geste fit glisser une traînée de shampoing dans l'œil. Je me forçais à rire et éliminait le savon d'un coup de serviette. J'étais heureuse, là, maintenant? C'était tout ce qui comptait. Le sourire génère le sourire. En me forçant à être heureuse, je le serais. Comme je l'étais en me levant.
Sortant de la douche, je filais attraper le livre que je venais de finir et l'ouvris à une scène romantique et heureuse. En reculant vers mon lit, je soupirais d'aise devant la situation des personnages : L'héroïne, tremblante d'une pensée libérée, d'un mot de trop, et son conjoint qui tentait de comprendre le sens de ses mots avant de l'enlacer, amusé. J'imaginais que moi aussi, mon petit-ami se rapprochais avec douceur et me prenais dans ses bras en me chuchotant qu'il m'aimait. Et qu'ensuite, il me prendrait par la main et que jamais notre amour ne souffrirai de quoique ce soit. Je le voulais, ce bonheur là. Je le désirai hardiment, je l'appelai du plus profond de mon âme, je le cherchai avec mon cœur débordant de tendresse à offrir. Mais j'avais beau l'appeler, en quinze ans il n'avait pas encore manifesté le moindre signe.
Je reposais le roman et ouvrit mon agenda, encore un peu dans cet état d'hébétude. Lorsque j'étais petite, j'étais persuadée que, quand j'entrerai au lycée, je trouverai des amies qui me resterait fidèles jusqu'à la fin de notre vie, que je croiserai le regard d'un beau jeune homme qui me bouleverserait et deviendrait mon seul et unique amour, mon compagnon pour l'éternité, que j'atteindrais le bonheur de ces héroïnes dans les romans. C'est toujours à cette période qu'il leur arrive des choses incroyables. Mais non. A la place, je me retrouvais avec un agenda encore plus rempli qu'au collège, une heure et demie de bus et une déprime persistante. Mais j'avais les amies, c'était déjà ça... C'était un peu méchant à penser, et je m'empressais de chasser ça de ma tête. Ce n'était pas méchant : c'était ignoble. J'étais ignoble.
Sur ces pensées finalement maussades, je me plongeais dans mes devoirs, puisque ma vie était décidée par la société, et que la société désirait qu'à mon âge elle ne se résume plus qu'à ça.
Travailler. Pour s'assurer un avenir.
Travailler.
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Out [En pause]
Teen FictionMéline est une jeune fille travailleuse et volontaire. Ou, terme plus actuel, une "intello". Pourtant, c'est elle qui a décroché des cours. C'est elle qui enchaîne mauvaise note sur mauvaise note; c'est elle n'a plus d'avenir, c'est elle pour qui le...