Chapitre 9

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  -Mais c'est pas compliqué bordel!

Des larmes coulaient sur mes joues. Pourquoi je pleurais, moi? Pour un foutu DM de maths? Pour un simple exercice constitué d'un enchaînement de nombres? Depuis quand étais-je ainsi réduite? Depuis quand est-ce que ça m'affectais autant?

Depuis toujours.

La vérité était là : depuis toujours. Mais mes excellents résultats m'avaient toujours caché ce problème. Jusqu'à maintenant. Comment faisaient les autres?

  -Tu devrais faire une pause chérie.

Je sursautais. Ma mère était dans l'encadrement de la porte et me regardait avec un regard inquiet.

  -Ça fait deux heures et demi que tu y es. Fais une pause, tu y verra plus clair.

  -Non!

J'avais été violente, mais je m'en fichais. Pourquoi elle venait m'interrompre? Je n'aurai aucune pause tant que je n'aurai pas fini cet exercice, point. Elle devait le savoir, c'est elle qui me l'avait appris : on finit toujours une chose avant d'en commencer une nouvelle.

  -Je te laisse, lâcha-t-elle d'un ton froid.

Je soupirai, énervée par son intervention. Inconsciemment, je lui en voulait de m'avoir interrompue sans m'avoir aidée.

Mon stylo m'échappa des mains et je finis par donner un coup dans ma trousse, plus que jamais sur les nerfs. En voyant son contenu éparpillé, je m'en voulu aussitôt. Je ramassais le tout avant de me replonger dans ce foutu DM.

Et c'était comme ça a chaque fois.

Je passais des heures à la suite sans m'arrêter, à râler, chercher, pleurer, crier, feuilleter mes cours, lancer mon cahier plus loin, agiter mon stylo dans tous les sens, mettre cinq couches de blanco sur mon brouillon, trouver enfin, m'énerver car ce n'était finalement pas ça. Je finissais par recopier sans avoir fini et à chercher la solution auprès de mes amies ou, à défaut -soit quasi toujours- sur internet.

Mais là j'étais loin d'avoir fini et mon esprit avait décidé de partir ailleurs. Je pensais à des tas de choses autres que des maths : à la fin de ce livre que je m'étais promis de lire à la fin de ce DM-donc dans un futur lointain-, à Chloée, à maman que j'ai envoyé paître, j'écoutais mon père râler aussi, la pluie sur les carreaux, je regardais le ciel gris et triste et me mettais à pleurer.
A travers le filtre de mes larmes, les chiffres se brouillèrent pour ne former qu'un amas d'encre bleue et c'était beau, c'était tellement plus beau.
J'entendis les escaliers craquer et m'empressait d'effacer la tristesse de mon visage. Ma copie redevint une suite de nombres et de lettres dont le sens s'estompait à mesure qu'on le cherchait.
Un éclair de génie passa au moment où quelqu'un passa devant ma porte. Je me mis à gratter, le coeur battant, essuyant la traînée de larme qu'il restait en un mouvement machinal. J'avais la solution, elle était là, je devait la graver sur le papier avant qu'elle ne s'échappe a nouveau.
Un sourire de satisfaction m'échappa quand je vis le résultat, avant de disparaître devant l'ampleur de ce qu'il restait. J'essayais la question suivante mais aucune idée ne me vint dans les trente secondes; je lâchait mon stylo de dépit.
Mon esprit se mit à nouveau à dériver, et je rêvais d'à quel point je serais mieux aux côtés d'Olivia. Elle savait tout rendre beau et joyeux. Elle était tellement mieux que moi.
Les larmes envahirent à nouveau mon visage et je me laissais finalement aller. Je reprendrais dans une vingtaine de minutes, c'était impossible dans cet état.
Mon téléphone afficha un message de Joeffrey qui finit de m'achever.
Ce n'était pas seulement les cours, pas seulement mes capacités qui m'abandonnaient petit à petit. Non, ce n'était pas seulement ça.
Le collège et l'ignorance des autres m'avaient bien plus atteint que ce que je m'étais laissé paraître. J'en portais encore les cicatrices. Et aujourd'hui...
Aujourd'hui, j'étais profondément malheureuse.

Out [En pause] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant