Chapitre 1 : Peter

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    Peter se réveilla...

Toujours le même rêve, nuits après nuits. Il la détestait d'ailleurs, la nuit, elle l'effrayait, le répugnait et chaque soir, il faisait tout pour se coucher le plus tard possible, tentant vainement d'éviter les mauvais rêves. Il repensa à son cauchemar, horrible, mais ce n'était plus qu'un souvenir. Il sentit le sommeil reprendre son emprise doucement, il bailla puis ferma les yeux, mais ne s'endormit pas. Pas qu'il ne le veuille pas, mais qu'il ne puis pas. En effet, un lourd bruit de métal s'écrasant sur le sol l'en empêcha. Le son fit écho à travers les murs avant de finir par se taire. Il fut prit d'une peur soudaine et se terra sous sa couette verte pomme, comme l'on se protège sous une armure et un bouclier. Mais Peter savait que ce n'était ni une armure, ni un bouclier et sa tête lui disait d'affronter ses peurs et de sortir de sa chambre plongée dans l'obscurité. Cependant, son corps en faisait tout autrement, il tremblait, suait, et refusait d'esquisser le moindre geste, Peter retenait même sa respiration. Il resta dans cette position inconfortable durant une heure, sous cette couverture chaude en pleine nuit d'été, ne retrouvant pas le sommeil qu'il regrettait maintenant.

Enfin, son cerveau put se libérer de la peur et reprendre le contrôle : Peter retira la couette brûlante, pleine de sueur nauséabonde, sentant encore la terreur qui l'avait parcouru. Il descendit prudemment de son lit et avança vers sa porte fermée, tout doucement, tel un espion en camp ennemi, évitant chaque jouet traînant par terre et cela sans regarder ailleurs que la serrure de sa porte d'où sortait un très fin fil de lumière. De toute manière, il lui aurait été inutile de chercher à voir les objets sur le sol à cause de l'obscurité ténébreuse régnant dans sa chambre, et qui chassait le peu de lumière. Il appuya sur la poignée de la porte et la laissa s'entrouvrir seule. La lumière, provenant du couloir l'aveugla et il dût fermer les yeux durant quelques secondes avant de continuer son exploration des lieux.

C'est alors qu'il repéra une erreur. Elle aurait pu passer inaperçue mais, malheureusement, Peter avait un sens pointilleux de l'observation qui agaçait ses parents assez souvent, c'est-à-dire à chaque fois qu'il faisait une remarque sur un t-shirt mal repassé, une assiette mal lavée... C'était d'ailleurs encore une fois de ses parents que l'erreur venait : leur porte, au bout du couloir était ouverte, ce qui n'arrivait jamais. Il prit donc la direction de la chambre. D'habitude, il lui fallait huit pas pour se trouver devant la pièce, mais sa prudence décida d'en faire quarante, tel un petit chat avançant doucement vers sa proie. En arrivant devant la porte, on pouvait observer l'armoire des parents de Peter, vieille d'une centaine d'années. Elle était grande, lourde et le temps s'était marqué sur cette armoire sous la forme de tâches noires et de légères fissures arpentant le bois de merisier comme les rivières sur une carte. La chambre était couverte de tableaux peints par la mère de Peter. Ces tableaux colorés faisaient lumière sur le mur gris terne du couple. Enfin, le lit était sur l'extrême droite en rentrant, et on ne pouvait le voir qu'en rentrant. Lui aussi devait dater du début du 20e siècle, même si cela apparaissait moins que sur l'armoire. Peter arriva à ses quarante pas, pile en face de la porte grande ouverte, face à la vieille armoire, comme il l'avait calculé.

La couleur rougeâtre du merisier lui rappelait celle du sang sec et il ne s'en était jamais approché. Il hésita, rentrer ou se recoucher, après tout, tout semblait normal, calme et le silence était maître. Ce silence absolu prouvait d'ailleurs à Peter que tout n'était pas normal : il manquait un élément dans l'harmonie silencieuse, un élément essentiel, le souffle des dormeurs. Tandis qu'il cogitait à tous les scénarios possibles, le craquement distinct de la première marche d'escalier se fit entendre, comme une fausse note, piquante, dans un air doux. Il se précipita dans la chambre, fit un demi-tour gauche, ferma la porte, tourna la serrure, puis respira, un long soupir puis une inspiration tout aussi longue, qui se bloqua brutalement en voyant le lit.

Du sang, partout. Le mur, les draps et le sol en était aspergé et au milieu de ce champ de bataille, deux dormeurs, le visage pâle, terne s'accordant avec le gris des murs ayant échappés à la marée rouge. Leur yeux étaient fermés, montrant un air apaisé et détendu, contrairement à leurs corps. Leur gorge était tranchée, leur ventre ouvert comme si l'on avait suivi la fermeture-éclair d'un gilet avec un couteau et les bras tailladés d'une douzaine de coups chacun. Devant ce décor lugubre, Peter s'écroula en arrière, le corps raide. Mais il ne toucha pas le sol, une main le rattrapa tandis qu'une autre recouvrit sa bouche. Il tenta de se libérer de l'étreinte de son agresseur, feintant, bougeant de toute part, en vain. Un coup à l'arrière de son crâne mit fin à ses gesticulations. Ses yeux se refermèrent et Peter glissa dans les ténèbres.

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