Un.

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Le soleil d'été brûlait les cultures s'étalant sur des hectares entiers tandis que, dans la petite rivière, l'eau ruisselait abondamment. La nature vivait comme à son état habituel, nullement perturbée par les remous présents dans tout le comté.
Mais tiens, quels remous ?
Ceux causés par l'événement dont tout le monde parle, voyons.

La fille du comte allait lui succéder.

On entendait plus que ça dans tout le pays. La future comtesse était aux lèvres de tous les habitants cette semaine. Que ce soit à la fontaine où les femmes lavaient leur linge, à la boulangerie où chacun allait acheter son pain frais chaque matin ou chez le barbier où les hommes se refaisaient une beauté. Tous parlaient d'un seul et même événement autour duquel les conversations et les rumeurs fusaient bruyamment.

« Et il paraîtrait que son tour de taille n'est pas plus large que celui d'une enfant. À dix-sept ans accomplis, c'est tout de même fou. »

« Elle fait preuve d'une rare beauté. On dit même qu'il n'y a pas de femme plus jolie sur Terre. »

« Je me demande qui est l'heureux élu qui a titre d'être son époux. Je lui souhaite aussi bien du courage. »

« Ce qu'elle peut-être capricieuse cette petite. J'étais sa gouvernante autrefois. Une fois, pas deux. »

Tous avaient attendus ce jour avec impatience. Ce soir plus précisément. Autant d'un point de vue négatif que positif.

La comtesse Élizabeth était un beau brin de femme, certes, mais beaucoup ne l'aimaient pas, la haïssaient même. Que ce soit dans les rangs des chevaliers ou parmi les villageois, rares étaient ceux qui lui portaient une attention profonde et sincère. Ceux-ci ne formaient qu'un tas immonde d'hypocrites, faisant jaser les critiques sur le dos de la pauvre jeune fille.

Mais c'était une chose quelque peu compréhensible bien que ce fût grossier et impardonnable.
En effet, Élizabeth, malgré sa beauté presque divine due à sa crinière massive d'une blondeur angélique, ses yeux aussi bleus que des saphirs et ses traits fins et délicats, avait un caractère exécrable. Elle était tout bonnement redoutable.
Égoïste, cupide et hautaine étaient les trois adjectifs qui lui seyaient le mieux. Elle les portait comme une seconde peau, comme une luxueuse étoffe de soie rouge qu'on ne voudrait pas quitter.

Mais le peuple se devait de la respecter étant donné la place qu'elle occupait au pouvoir. Elle serait bientôt leur suzeraine locale et, s'ils espéraient sa clémence, les villageois se devaient d'être irréprochables à son égard.

Tous se préparaient donc pour la grande cérémonie, revêtant leurs plus belles parures et leurs plus riches habits. Tout le comté était prié de s'y rendre. Chacun avait reçu une missive à son nom, l'invitant au gala tant attendu.

Tous, sauf Aria.

La pauvre enfant avait préféré se faire oublier du reste du monde. Elle vivait isolée pour cacher son horrible nature. Elle ne se rendait jamais au village, de peur que son secret ne soit dévoilé au grand jour.
Elle avait tant bien que mal appris à contrôler son pouvoir de métamorphose et chassait pour se nourrir. La forêt était son refuge, son univers.
Elle partageait sa solitude avec les hôtes de ces bois et c'était mieux ainsi.

Imaginez seulement que son identité soit découverte. Ce serait affreux, n'est-ce pas ?

Mais Aria débordait d'une curiosité maladive. Elle savait ce qui se déroulerait ce soir là et elle comptait bien y participer, elle aussi.
C'est pourquoi elle s'affairait dans son modeste logis.

Elle avait elle-même cousu la robe qu'elle mettrait pour la fête.
Celle-ci était faite de tissu sombre virant légèrement vers le rouge et complétée par de multiples rubans de tulle noire. Les matériaux qu'elle avait utilisé avaient bien entendu été volés dans l'atelier du tailleur royal une nuit glaciale où chacun s'était cloîtré dans son chez-soi.

Le résultat était tout de même éblouissant. Ses cheveux roux retombaient en cascade sur ses épaules dénudées et son vêtement lui faisait une taille gracieuse et délicate. Magnifique.

Pour finir, elle glissa une lame de couteau dans un replis de sa tenue après avoir enfilé une paire de chaussures ébènes et souffla. Juste au cas où.

Fin prête, elle se mit sur le départ.

~

Le château se dressant devant elle était immense. Les convives se pressaient déjà à l'intérieur tandis que la nuit noire tombait lentement sur le pays.

Aria poussa un léger soupir et se remémora une dernière fois les règles qu'elle ne devait enfreindre pour rien au monde :

Ne pas se faire remarquer. Éviter d'adresser la parole aux invités et, si jamais, détourner la conversation aux questions délicates. Et enfin, contenir son appétit féroce et ses pulsions animales.

Elle inspira un bon coup et s'avança d'un pas décidé.

Elle était prête. On ne peut plus prête.

~

À l'intérieur du somptueux palais, les dames déblatéraient déjà à propos de tout et de rien.

Elle passa devant, ignorant les regards remplis de questions posés sur elle, et rejoignit le buffet contre son gré.

Non, Aria, non.

Trop tentée, elle déroba une tranche de charcuterie de son assiette et l'engouffra rapidement sous ses canines acérées.

Mais non loin de son emplacement, un jeune homme de bonne famille l'observait...

×××
Excusez moi pour les probables fautes.

Amitiés, Eleni.

Métamorphe CondamnéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant