Chapitre 10

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Chapitre 10

Pour la première fois depuis longtemps, Salvatore avait le trac. Ce n'est qu'une femme, se rassura-t-il avec un brin de machisme. Une mère de famille grosse et autoritaire.

Avec, sur les talons, ses deux « gardes du corps », Gonzalo et Abu, il frappa à la porte de Luisa, la nièce de Franco.

Quelle ne fut pas sa surprise quand Salvatore la vit apparaître : grande, le visage aux traits fins et distingués, d'épais cheveux noirs attachés à la va-vite sur la nuque, elle était très belle. En revanche, elle portait une robe brune qui avait l'air d'un sac, parsemée de tâches en tout genre. Je ne m'attendais pas à ça.

- Vous êtes ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

- Je suis Salvatore Umberto, et voici mes associés, Gonzalo Erizo et Abu El Kabar.

- Ah, Umberto ! Oui, Franco m'a parlé de vous. Entrez.

Elle s'effaça pour les laisser passer. Son appartement n'était pas très bien entretenu, le sol jonché de jouets pour enfants et de vêtements plus ou moins propres. Devant la télévision qui braillait, Salvatore aperçut un petit garçon d'environ deux ans qui suçait son pouce. Un autre enfant, plus âgé, jouait à la console de jeux.

- Mes fils, Flavio et Valentino. Mes deux plus grandes filles sont à l'école.

- Vous avez quatre enfants ? demanda Abu, fier d'avoir calculé aussi vite.

- Fut un temps où j'en avais cinq...

Luisa tourna la tête vers la photo d'un jeune homme. Salvatore eut l'impression que le sol venait de s'ouvrir sous ses pieds. Il le connaissait. C'était Vincenzo Conti, le jeune drogué qu'il avait rencontré à la prison de Poggioreale...et qui était mort, poignardé par Ginelli, en tentant de le défendre, lui, Salvatore Umberto.

Il dut se rattraper à l'épaule d'Abu qui lui tapota le dos.

- Eh, ça va ?

- Oui, très bien. Pardonnez-moi.

- Qu'est-t-il arrivé à votre garçon ? demanda Gonzalo, sans gêne.

- Mon Vincenzo est mort en prison. À Poggioreale, précisa Luisa.

Salvatore encaissa le mieux possible, mais ces paroles lui tailladèrent le cœur. Il avait honte d'être devant cette femme, dont le fils était mort à cause de lui. Pourtant, il dut se reprendre, et changea brusquement de sujet :

- Je suis venu pour annoncer que le pizzo augmente.

Luisa eut un rire moqueur.

- Vous êtes fou ? Personne n'acceptera. Et surtout pas Ugo.

- Vous le connaissez ?

- Évidemment ! Je connais tout le monde ici. Moi, je vis là, pas dans une belle maison au bord de la mer.

En disant cela, elle jeta un coup d'œil dédaigneux à Salvatore qui n'osa pas répliquer.

- Comment est-il, cet Ugo ? demanda Gonzalo qui tripotait un cadre photo contenant un énième portrait de Vincenzo.

- Posez ça ! aboya Salvatore, furieux.

Gonzalo marmonna dans sa barbe mais reposa le cadre.

- Il est jeune et fougueux. Et assez caractériel. N'imaginez pas qu'il aura peur de vous. Au contraire, ricana Luisa.

- Au contraire ? répéta Salvatore.

- Vous êtes ridicule. Vos chaussures sont impeccables et vous portez une chemise blanche. Blanche ! Il faut vraiment ne rien faire dans la vie pour porter du blanc. Ici, les gens travaillent, endurent des choses difficiles.

La Villa Gialla : Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant