Chapitre 18

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Chapitre 18

Posé sur un adorable îlot rocheux, le couvent Saint Nicolas rayonnait d'une blancheur éclatante, émaillé d'hibiscus roses, rouges et orange, d'alpinias et d'oiseaux de paradis. Le quatuor s'y rendit dans un bateau en compagnie de plusieurs autres hommes visiblement très impatients de rencontrer les nonnes.

Pour y rentrer, ils durent se présenter à un homme tout habillé de blanc qui nota soigneusement leur nom avant de disparaître.

- Eh bien, je ne savais pas que les maisons closes étaient aussi sécurisées, soupira Kate.

- Avec cette fille qui veut la tuer, Marie-Marcelline a raison de se méfier.

- Les clients entrent facilement, eux.

Elle indiqua du menton les hommes qui rentraient sans obstacle. Ernesto l'embrassa gaiement et sifflota avec bonne humeur jusqu'à ce que l'homme en blanc revienne et leur fasse signe de le suivre. Une petite dame, noire et fripée comme un pruneau, dans une stricte robe de mère supérieure, fonça droit vers eux.

- Ernesto Mensueda ! piailla-t-elle en le pointant du doigt. Comment oses-tu te présenter ici, chez moi ?

Elle parlait anglais avec un fort accent créole, et sa voix grinçante vrilla les tympans de l'assemblée.

- Marie ! Ma chère, ma douce Marie ! Quelle joie de te revoir !

- Épargne-moi tes salamalecs, le Cubain ! Que veux-tu ? Séduire toute mes filles, et les ramener chez toi, comme d'habitude ?

- Je ne suis plus dans le métier, rassure-toi.

- Enfant de Satan, siffla-t-elle entre ses dents jaunies.

Ernesto ne se démonta pas et l'embrassa sur les deux joues.

- Bas les pattes ! Je répète : qu'est-ce que tu veux ?

- J'ai appris qu'on attentait à ton auguste personne...

- Comment tu sais ça, toi ?

- J'ai parlé avec Robert, et...

- Lui ? Il délire ! Personne n'essaie de me tuer !

- Alors pourquoi surveiller les gens qui ne viennent pas ici pour les filles ? Avant, c'était un vrai moulin...

Marie-Marcelline soupira et s'éloigna à petits pas. Comme personne n'osait la suivre, elle se retourna et brailla :

- Qu'est-ce que vous fichez encore plantés ici ? Bougez-vous !

Elle les conduisit dans un petit oratoire, où un crucifix veillait sur une armoire remplie de dossiers et de préservatifs multicolores.

- Bon, qu'est-ce que tu veux ?

- Cette fille qui te traque...

- Elle ne m'aura jamais !

- Je n'en doute pas. Mais nous aimerions la rencontrer.

- Tu crois que je partage le rhum avec elle ?

- Ce qu'on te demande, Marie, c'est de pouvoir rester ici jusqu'à ce qu'elle revienne.

- Elle ne reviendra pas ! Ou elle sera immédiatement renvoyée dans l'Enfer d'où elle vient !

Ernesto poursuivit avec patience le duel verbal et finit par convaincre Marie-Marcelline de les loger au couvent pendant quelques temps. Non sans ronchonner, la minuscule mère supérieure les guida à travers les méandres de Saint-Nicolas. Les cellules des anciennes nonnes étaient reconverties en chambres et les grandes salles, comme le réfectoire, avaient été aménagées avec des plantes tropicales, des coupes de fruits, des moustiquaires et des tissus vaporeux et pastel. Une superbe jeune femme à la peau caramel passa devant eux en riant, à moitié nue, poursuivie par un homme qui poussait des cris d'animaux.

La Villa Gialla : Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant