Chapitre 9: Un jeune moussaillon

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Je voyais les côtes cubaines s'éloigner lentement, tandis que le navire était porté par un vent chaud, venu du sud. La coque brisait les vagues, qui commençaient à se former au fur et à mesure que nous progression vers la haute mer. 

Je ne saurais dire combien de temps j'étais resté là, les yeux tournés vers l'horizon, à scruter pour la dernière fois un paysage qui m'était familier. Quand l'île ne fut plus qu'un minuscule point, parmi tant d'autres, je décidai de partir à la recherche de mon frère.

L'agitation qui régnait sur le pont n'avait cessée depuis que nous avions quitté le port. On tirait les voiles, on ajustait les nœuds, on rangeait les dernières caisses, oubliés sur le sol. Tout était orchestré avec précision, et chacun savait ce qu'il devait faire. Une vraie fourmilière. J'étais le seul à être complètement désorienté.

Quelque chose saisit mon bras me sortit de mes pensées. Je laissai échapper un cri de surprise. C'était Josh, qui me regardait en souriant.

"Je t'ai fais si peur que ça ? dit-il

-Non.. Je.. J'étais juste captivé par ces gens, répliquai-je

-C'est impressionnant en effet. Un tel nombre de personnes, ayant pour chacun une tache précise, et dont chaque action va avoir un rôle déterminant sur le déroulement du voyage. J'étais comme toi, pendant ma première expédition !"

J'avais déjà entendu cette histoire des dizaines de fois, mais je ne m'en lassais pas. Mon frère avait 14 ans quand il a traversé l'Océan Atlantique pour la première fois. C'était un long courrier, qui devait rejoindre Londres. Josh avait voyagé à bord d'un négrier, et il s'en souvient comme si c'était hier. La traversée avait pris 2 mois. Il était si excité à l'idée de prendre la mer. J'étais encore tout jeune quand il est parti, et je le voyais comme un héros. Disons que les choses n'ont pas trop changées.

"Pourquoi est-ce que que tu m'a fait ça, tout à l'heure ? dis-je, d'une voix plus forte que prévue.

-Fait quoi ? 

-Avec papa, à propos de la cargaison.. répondis-je."

Il me fixa quelques instants. Ses sourcils se froncèrent.

"Parce que c'est une cargaison privée. Certains clients exigent que leurs contenu ne soit révélé qu'aux clients, uniquement. Personne ne sait ce que contient cette cargaison. Moi même, je ne suis pas au courant. Mais c'est la règle, je m'y tiens. 

 En plus, cela ne devrait même pas t'intéresser. Tu n'es pas là pour ça je crois ?

-Peut être bien oui.. Tu ne trouves pas cela frustrant, toi ? répliquai-je

-Non, parce que tous ces voyages m'ont appris que trop en savoir n'apportes que des problèmes. De gros problèmes. Crois-en mon expérience."

Il mima une lame qui passait devant sa gorge. Cette image me donna la chair de poule.

"Enfin bref ! dit-il en secouant la tête. Nous allons passer à la partie la plus intéressante: je vais faire de toi un vrai marin ! dit-il en tapant sur mon épaule. Suis-moi, nous allons commencer."

C'est ainsi que commença mon apprentissage. Durant les deux premiers jours, mon frère m'apprit les rudiments de la haute mer: cordage, positionnement de la voile, pilotage du navire, tout y passa. Je suivais ses enseignements avec attention. Très vite, je fus capable d'entretenir le bateau avec lui. Cela me plaisais vraiment ! Mon frère me félicitait pour chaque nouvelle chose que je faisais, et cela m'encouragea vraiment à continuer. A chaque fois que je regardais le reste du navire, je devinais la silhouette de mon père à l'autre bout du pont. D'après mon frère, il suivait avec attention mes progrès. 

Nous fîmes escale sur une des nombreuses îles des Bahamas, le soir du troisième jour. La nuit venait de tomber, et seul les flammes des lampes à gaz illuminaient la berge. Le navire était trop gros pour accoster. On fit descendre des canots, qu'on chargea de marchandises. 

Mon père vint me voir. Il m'annonça:

"Nous allons nous reposer un peu sur cette île. Nous avions des caisses de sucre à livrer, et visiblement, nous sommes dans les temps, dit-il en regardant sa montre à gousset. Profites de la terre ferme, nous repartons à l'aube !"

Je le suivis alors jusqu'à une embarcation. Le vent était calme, et le canot glissa rapidement sur les eaux sombres, faiblement éclairées par la lumière de la lune. Nous arrivâmes sur la rive en un rien de temps. On pouvait distinguer le village derrière un épais rideaux de palmiers. La végétation semblait se profiler sur l'ensemble de l'île. De nombreuses lumières nous permettaient d'avoir une vue sur l'ensemble du lieu. L'eau venait caresser le sable fin, en laissant derrière elle les traces de la mer: on apercevait ça et là des coquillages en tout genre. Cette île était magnifique !

Un homme nous attendait sur la berge. Il était petit, et portait une chemise blanche, dont les manches étaient retroussées. Ses cheveux tirés en arrières étaient attachés par un lacet de cuir. Sa barbe finement taillée couvrait son menton et sa lèvre supérieure, ce qui lui donnait un style atypique. Il regarda mon père et lui sourit.

"Monsieur Owens, vous voilà enfin ! dit-il chaleureusement"

Les Aventures d'OwensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant