Chapitre 11: Un dîner à la Hacienda

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Durant le trajet jusqu'à la villa d'Alejandro, ce dernier m'apprit qu'il dirigeait la société minière de La Puerta. Il s'est installé ici avec sa femme, et quelques hommes. Ils avaient découvert un gisement de diamant, proche de l'unique volcan de l'archipel. Depuis, il s'était enrichi et a agrandit son exploitation. Le nombre d'habitants atteignait aujourd'hui la centaine.

Son importance dans le village est indéniable, puisque c'est lui qui a fait construire​ toutes les structures de l'île.

"Et voilà ma Hacienda ! dit Alejandro"

La bâtisse était situé au bout d'un chemin pavé. D'un style typiquement espagnol, était très large et faite brique de terre oranges.
Une terrasse ouverte accueillait les visiteurs. De larges canapés occupaient tout l'espace. Deux femmes se prélassaient sur une large banquette de cuir noir. Lorsqu'elle virent l'espagnol, elles acourrèrent.

"Vous revoilà déjà Monsieur Ortega ! dit l'une en passant sa main sur le torse d'Alejandro. Nous vous attendions !

-Suffit ! Nous avons des invités ! répliqua sèchement Alejandro."

Les deux femmes firent la moue, et retournèrent sous le porche. Alejandro ricana.

"Voyez donc ce que l'argent apporte !"

Il nous fit faire le tour de la maison. Nous passâmes sous de nombreuses colonnes de pierre rose, et à travers un dédale de terrasses toutes plus somptueuses les unes que les autres. Nous arrivâmes enfin dans un grand verger couvert. Des orangers étaient alignés le long d'un large bassin d'eau sombre, faiblement éclairé par le clair de lune. Une odeur sucrée d'agrumes parfumait l'air.
Nous nous installames autour d'une large table de bois sombre gravée,  couverte de dorures et de pierres précieuses. Une tête de lion en bronze était incrustée au centre de la table.

Alejandro tapa dans ses mains, et deux rangs de servantes apparurent, les bras chargés de plateaux de nourriture. Elles déposèrent les plats au centre de la table, puis reculèrent de quelques  pas. Quelque chose toucha mon bras. Je tournai brusquement la tête. Mes yeux se posèrent alors sur un visage splendide. Elle devait avoir mon âge. Sa peau douce et parfumée avait effleurée mon avant bras. Ses cheveux noirs jais retombaient doucement sur ses épaules bronzées.  Elle était d'une beauté sans égal.
Lorsqu'elle sentit mon regard se poser sur elle, elle me regarda.
Ses yeux marrons brillaient à la lumière des torches. Son regard était si perçants​ que j'avais l'impression qu'elle pouvait voir au plus profond de mon âme. Je détournais le regard en rougissant.

Ryan était assis en face de moi. Il avait de toute évidence assisté à la scène. Il me regard et émit un rire guttural, et bruyant. Un silence pesant s'installa autour de la table. Alejandro lui lança :

"Ryan ? Tout va bien ?

-Bien sûr, répondit mon frère en souriant. Je crois que ta servante plaît beaucoup à James !"

Je sentis tous les regards se poser sur moi. Je baissai les yeux. J'étais terriblement mal à l'aise.

"James, dit Alejandro, c'est cette femme, debout derrière toi ?

-Oui, dis-je d'une voix rocailleuse."

Il aboya des ordres en espagnol. Je relevai alors la tête. La femme s'approcha du maître de maison. Ses cheveux se balançaient doucement, pendant qu'elle marchait. Ses vêtements couvraient légèrement son corps, dévoilant ainsi sa superbe silhouette.
Elle etait vraiment magnifique.

Elle se pencha par dessus l'épaule d'Alejandro. Ce dernier lui murmura quelque chose, et elle sourit. Elle me regarda, et acquiesça. Alejandro​ sourit à son tour et tapa dans ses mains.

"Elle te trouve très charmant, elle aussi, dit-il à haute voix"

La servante gloussa, et rejoignit les autres femmes, qui étaient retournées dans la maison.

Le sourire de Ryan s'effaçait doucement. Je le regardai avec un air de défi. Il évita mon regard, et piochant dans le plateau de fruits de mer.
Le repas reprit alors son court. C'est Alejandro qui parlait le plus. Il posait beaucoup de questions à mon père, quand à ses voyages, et ses dernières missions. Mon père répondait simplement, avec sa modestie habituelle.

"Vous savez, je quitte rarement cette île. J'ai beaucoup de responsabilités ici. Je profites que des voyageurs, comme vous, fassent escale pour prendre des nouvelles, dit Alejandro.

-Voila un homme bien différent de celui que j'ai connu, répondit mon père en buvant une gorgée de vin"

Alejandro se tourna lentement vers mon père. Il répliqua :

"Je le sais bien, mon ami. Mais je ne peux plus courir à travers les quatre coins du monde.

-Pourquoi cela ? Regardes-moi, je le fais bien. Qu'est ce qui t'empêches de faire de même ?

-J'ai des responsabilités ici désormais. De grandes responsabilités, répondit-il"

À ce moment là, il se leva. Il se dirigea vers le bout du verger. D'ici, on pouvait apercevoir le village, situé en contrebas. Les lumières s'étaient éteintes, et les maisons plongées dans l'obscurité.
Alejandro désigna le village, et tourna la tête vers mon père.

"Vous voyez toutes ces casas ? Ce sont autant de personnes qui y vivent. Ces personnes ont besoin d'un chef. De quelqu'un qui inspire confiance, et espoir. Quelqu'un qui sait diriger.
Ce sont des ouvriers, des marchands, qui se sont enrichis en travaillant avec moi. Cependant, aucun d'entre eux n'a l'étoffe d'un chef. Je les ait vu à l'oeuvre. Ce sont des jeunes, pour la plupart. Ils n'ont pas reçu les conseils que j'ai reçu. C'est vous, M. Owens, qui m'avez formé. Vous m'avez appris à diriger. Vous m'avez appris l'humilité, et la discipline en me montrant la vie de matelot"

Il passa la main dans ses cheveux, et se gratta la tête. Il reprit:

"Maintenant imaginons un instant que je donne à ces hommes la responsabilité de mon exploitation. Que croyez vous qu'il adviendra de ce petit village ? Pensez vous qu'une seule de ces personnes soit dans le même état d'esprit que moi ?
Non. Ils se battront pour la richesse, et tout ce travail périra. L'argent pervertit le coeur, et l'esprit de l'homme. Donnez trop de pouvoir à un homme, et il courra à sa perte  C'est pour cela que je suis là. Pour assurer la continuité de La Puerta"

Il revint à table, et se servit un grand verre de vin.

"Et puis, je me plais bien ici. J'ai besoin de cette tranquillité, dit-il doucement.

- C'est ton choix, Alejandro. Comme je te l'ai déjà dit, tu es toujours le bienvenu parmis nous, répondit mon père.

-Je le sais, M. Owens, répliqua l'espagnol."

Les Aventures d'OwensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant