Chapitre 10: "La Puerta"

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Mon père échangea une longue poignée de main avec l'homme.

"Alejandro ! Quel plaisir de te revoir ! Cela fait si longtemps. Alors, comment vas ta femme ? Dans tes lettres, tu me disais que tu attendais un heureux événement ! dit mon père en affichant un large sourire.

- Très bien M.Owens ! Nous sommes si heureux ! Je suis papa depuis quelques mois déjà ! répondit Alejandro, la voix tremblante d'émotions.

-C'est une excellente nouvelle ! répondit chaudement mon pere. Allons fêter ça !

Mon père passa son bras sur les épaules d'Alejandro, et ils traversèrent la plage, avec l'équipage sur les talons.

On les entendait parler de loin. Ils discutaient de leur vie respectives, et du temps passé. Visiblement, ils avaient vécus de nombreuses aventures ensembles. Je n'avais jamais entendu parler de cet Alejandro. Mon frère arriva à ma hauteur. Il avait changé de tenue, et portait désormais une ample veste bleu-marine. Un bandeau rouge serrait sa taille. Ce devait être sa tenue "formelle".

"Tu dois sûrement te demander qui est cet Alejandro ? dit-il en souriant.

- Un peu. Pourquoi père n'en parle-t-il jamais ? Ils ont l'air d'être de grands amis..

Mon frère me raconta alors l'histoire de ces deux hommes. À l'époque, mon père était encore un tout jeune capitaine. C'était sa toute première traversée. Ils transportaient du coton, lors d'un petit voyage entre les îles Caraïbes. En arrivant au large d'un de ces  îlots,un navire de corsaire a pris pour cible le bateau de mon père. Une centaine hommes sanguinaires, armés jusqu'aux dents, qui abordaient le navire. La bataille semblait perdue d'avance. Le bateau fut secoué par les coups répété des boulets de canon. Nombreux furent les marins qui tombèrent dans l'eau pendant ce premier assaut. Le  corsaire se rapprochait dangereusement. Un navire de la garde royale était en faction dans cette zone. Lorsque son équipage reconnu le drapeau de la compagnie, les gardes armés se joignirent à la bataille. Le combat fut court, mais intense. Les cent corsaires furent éliminés, au péril d'une cinquantaine de nos hommes. En fouillant le bateau, ils découvrirent des prisonniers espagnols dans la cale​. Alejandro faisait parti des leurs. Mon père les libéra et très vite, les deux hommes se lièrent d'affection. Depuis, ils sont amis.

"Mais je n'ai jamais entendu parler de ces histoires ! dis-je, déçu.

-Je croyais que ces histoires ne t'intéressaient pas, dit mon frère avec un large sourire.

Nous arrivâmes au village. C'était une petite colonie, peuplée d'une centaine d'habitants tout au plus. On reconnaissait l'inspiration hispanique de la décoration, et le style des bâtiments, très colorés et ouverts sur de larges terrasses. Je remarquais une chose. La plupart des maisons étaient de luxueuses habitations. Je ne voyais pas de petits appartements, ou de bidonvilles.

Alejandro se tourna vers les membres de l'équipage qui étaient venus sur terre avec nous. Une jeune femme se tenait à côté de lui. Elle devait avoir la vingtaine et avait le teint mat. Il mit ses mains autour de sa bouche, pour que sa voix porte le plus loin possible :

"Messieurs, je vous présente Carolina. Elle va vous accompagner jusqu'à vos habitations. Je vous souhaite de passer une agréable nuit."

La dénommée Carolina leva le bras, en affichant un large sourire. Elle se dirigea vers le sud du village, les hommes sur les talons.
Il ne restait désormais plus que mon père, Alejandro, ainsi que mes deux frères et moi.
L'espagnol se dirigea vers mes frères. Il tapa dans le dos de Josh, puis  attrapa Ryan par le cou et lui frotta les cheveux.

"Mon dieu, comme vous avez grandis, mes niños !"

Ryan retira la main d'Alejandro en grommelant. Mon père éclata de rire.

"Tu sais Alejandro, ce ne sont plus les enfants que tu as connu, dit-il en souriant. Ce sont de vrais hommes désormais !

-Je le sais bien, soupira ce dernier avec nostalgie. Et c'est le dernier que je vois là bas ?"

Je sentis les yeux se tourner vers moi.

"En effet. C'est mon fils James. Un sacré garçon, dit doucement mon père . Si tu savais tout ce qu'il connait sur les sauvages, tu n'en reviendrait pas !"

Mes joues de mirent à chauffer. Je devais être écarlate.

Alejandro​ s'approcha doucement de moi. Il posa sa main sur mon épaule, et me regarda dans les yeux. Il me dit chaleureusement :

"Bienvenue à La Puerta, James Owens !"

Les Aventures d'OwensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant