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« Tu n'oublies pas ton parapluie surtout ! »

La voix de ma mère résonnait dans ma tête. Évidement, je ne l'avais pas écoutée. Au pire, quelques gouttelettes dans les cheveux, il n'y a rien de mal à ça. Ça me donnera un style de chien mouillé. Pas grave.

Comme si le ciel avait lu mes pensées, comme si le ciel était contre moi aujourd'hui, la fine pluie se changea rapidement afin de devenir pire que les chutes du Niagara.

J'accélérai ma marche. Ma petite veste en jean allait être trempée et elle ne sécherait pas avant un long moment. Le lycéen de l'autre côté de la rue mit son sac sur sa tête afin de protéger sa coupe, qui avait sûrement dû lui prendre au moins trente minutes à réaliser.

Ce garçon empruntait le même chemin que moi, tous les jours. Il habitait en face de chez moi, et je connaissais ses habitudes par cœur, ses goûts vestimentaires, ses goûts musicaux, je pourrais le reconnaître rien qu'à sa démarche. Et pourtant, jamais nous n'avions osé s'adresser la parole. Je connaissais son prénom. Mais il ne connaissait même pas le mien.

La pluie devenait tellement violente que je ne voyais presque plus rien devant moi. J'avais l'impression de prendre une douche habillée. J'allais être ridicule, devant ma classe, avec mes sous-vêtements noires sous mon t-shirt blanc. Avec mon jean trempé. Avec mes cheveux totalement mouillés. Mais qu'importe. Ils avaient déjà tous une image très définie de ma personne, depuis le temps. Nous étions déjà en avril après tout.

Et dieu seul savait que je ne voulais absolument pas savoir ce que ces salauds d'adolescents pensaient de moi. Rien que l'idée qu'ils pouvaient penser à moi me répugnait. Je n'avais pas envie d'être le sujet de leur conversation, ni celui de leurs pensées. C'est pour cette raison que j'arrivais toujours à l'heure, que je ne parlais pas beaucoup, que j'étais toujours obéissante, que je ne me faisais jamais remarquer.

Perdue dans mes pensées, je faillis glisser sur le bitume mouillé. Heureusement, je me rattrapai à la poubelle à ma droite.

« Eurk... »

J'enlevai instinctivement mes mains, une moue répugnée sur le visage. Pensons au bon côté de la chose : je ne m'étais pas foulé une cheville. Oui. Pensons au bon côté de la chose.

Je continuais ma marche, comme une désespérée à la recherche de son amant. Moi, je cherchais juste le refuge dans mon lycée, qui était encore à plusieurs centaines de mètres. Un refuge contre la pluie.

J'avais eu la magnifique idée ce matin de mettre des lentilles. Quelle bonne idée. Je m'en félicitais vraiment. Je n'imaginais même pas la catastrophe si j'avais gardé mes lunettes.

Du coin de l'œil, je vis le garçon jurer. Une grosse voiture venait de passer devant lui à grande vitesse, et il s'était fait tremper de la tête aux pieds à cause d'une flaque au mauvais endroit.
Comme quoi, heureusement que j'habitais de l'autre côté de la rue.

jour de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant