La vie s'était doucement éteinte en elle comme elle s'éteignait en moi. C'était ça, la vie.
Je n'étais pas spécialement triste. C'était normal, après tout ce que nous avions vécu, de quitter ce monde un jour. Et ma femme l'avait fait, il y a de ça une quinzaine de jours.
Elle ne s'était tout simplement pas réveillée le matin. Mourir de vieillesse, ça, c'est une belle mort, je trouve. La seule fin qu'on mérite, d'ailleurs.
Maintenant, j'allais simplement vivre un peu, quelques jours, quelques semaines, quelques mois. Peut-être même quelques années. Avant d'aller rejoindre celle qui avait partagé ma vie, et qui partagera ma mort.
J'allais simplement vivre et profiter du peu de temps qu'il me restait. En me promenant beaucoup, comme ce matin. Ça faisait longtemps, que je n'avais pas fait ça.
Et donc depuis maintenant plusieurs minutes, je regardais la ville s'éveiller. Je regardais les gens vivre. Il y en avait qui portaient des masques indescriptibles. Et d'autres en qui je pouvais lire comme dans des livres ouverts.
Comme cette jeune femme, devant moi. Elle avait l'air paniquée. Son regard croisa le mien pendant quelques secondes avant qu'elle reparte comme elle était arrivée.
Ah, les jeunes aujourd'hui. Ils n'avaient plus le temps. Enfin, ils n'avaient juste pas le temps. Pas le temps de se poser sur un banc et de m'imiter. De toute façon, peu comprendraient l'utilité de faire cela.
C'est vrai, eux étaient encore loin de la fin. Ils ne ressentaient pas ce besoin de faire un vide... et de tout recommencer ? De recommencer aux plus simples choses. Comme j'avais décidé de faire aujourd'hui. Et pour le restant de mes jours.
Le soleil était bien levé désormais. J'avais un peu faim. C'est vrai, même approchant de la fin, j'étais toujours un être vivant. Qui ressentait des besoins vitaux.
Je me levai alors du banc, titubant vers la route. Le monde tournait un peu. Peut-être que la fin arrivant pour moi aussi...
Puis d'un coup, trou noir. Alors oui, c'était bel et bien la fin.
Je ne regrettais rien. Pas la moindre chose. J'avais profité de ma jeunesse, j'avais même profité de ma vie entière. Et il était temps pour moi de rejoindre ma bien-aimée.
Il y avait du bruit autour de moi. Le même qu'il y avait quelques minutes auparavant. C'était presque reposant.
Mes pensées quittaient peu à peu mon corps.
Je ne regrettais rien. J'aurais eu une belle vie.
Adieu, à tout ce que j'aurais vu. Maintenant, j'allais rejoindre ma femme. La seule qui aura fait battre mon cœur de la première seconde où je l'ai vue, jusqu'à la fin.
Adieu.