Chapitre 17

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- C'est donc là que tu te caches depuis deux semaines, ricanai-je.

Il se retourna et me lança un regard inquiet.

- T'es bourrée?

Moi ? Jamais. L'alcool c'est mal, répondis-je avec un faux air innocent.

Il sourit légèrement et baissa la tête.

- En tout cas, t'as de la chance, l'alcool a le don de me faire oublier mes émotions. Du coup je suis plus en colère contre toi!, continuai-je en m'asseyant difficilement à coté de lui. Wah il fait super froid en vrai, il faisait meilleur chez Flav'!

- T'étais avec les gars ?

- Ouaip, on regardait le match.

- C'est qui qui a gagné ?

- Le Barça, évidemment. La meilleure équipe de foot pour le meilleur pays du monde. D'ailleurs Mekra était pas content du tout. Est-ce qu'il est du genre à faire longtemps la boude aux gens ? Parce que je savais qu'il était un peu bresson, mais ça me ferait chier qu'il m'aime déjà plus. Moi je l'aime bien, il me fait penser à un falafel.

- Un falafel ?, demanda Ken en riant.

- Bah ouais, ça pique mais au fond c'est tellement bon. 


Ken ne put contenir son rire face à mon explication et, l'alcool aidant, je me mis à rire avec lui.

- Et pourquoi tant d'amour pour l'Espagne ?, demanda-t-il.


- J'y ai passé tous mes étés jusqu'à mes 12 ans, dans le village de mon père. 


- Ah oui, Anais Enera...


- Tu te souviens de mon nom de famille ?!


- Je commence à te connaitre un peu, me dit-il en arborant ce sourire dont lui seul avait le secret.


Mon sourire s'effaça et je détournai les yeux.

- Et moi je pensais te connaitre, mais je me suis trompée.

Ken baissa la tête pour regarder l'eau couler doucement à nos pieds.

- Les femmes c'est mon vice, je peux pas contrôler. Alors je cède au plaisir mais au final, je suis pas plus heureux qu'au début. 


- Le problème c'est pas que tu ai couché avec l'égérie Ken, le problème c'est que tu ai foutu mon projet en l'air. 


- Je sais pas pourquoi j'ai fait ça. Parfois je me reconnais plus, Anaïs. Je suis désolé. Je suis pas bien dans ma tête. Mais je sais bien que ça excuse rien du tout et que c'est impardonnable ce que j'ai fait.

Il regardait toujours ses pieds se balancer au dessus de l'eau, on aurait dit un enfant qui venait de faire une bêtise. Je croyais voir mon plus petit frère, et cette pensée me fit sourire de nostalgie.

- Je te pardonnerai Ken, simplement parce que j'ai envie de connaitre le vrai Ken Samaras. Celui qui se cache derrière Nek le fennec.

Il releva la tête et m'offrit un sourire sincère, sans arrière pensée, sans aucune animosité.

- Alors, qu'est-ce qui peut bien tracasser le grand Nekfeu?, repris-je.


- Arrête, te moque pas, je m'ouvre à toi là. C'est rare que je le fasse. 


- Je reste sérieuse alors, bien que ça risque d'être compliqué.

Il me lança un regard interrogateur et son sourire en coin revint.

- A cause de l'alcool Ken, précisai-je.


- Bien sûr, qu'est-ce que ça pourrait être d'autre?


- Ken, stop.


- Ok princesse.

Je soufflai et levai les yeux au ciel. L'alcool avait anesthésié toutes mes émotions sauf celle ci visiblement, son petit princesse vicieux me faisait toujours autant d'effet.

- Pourquoi t'es pas bien dans ta tête?


- Bah je sais pas trop. Avec toute cette histoire j'ai beaucoup réfléchi et je me rend de plus en plus compte que je veux pas d'un avenir lambda. Tous ces moutons là ça me fou la rage.

- Tu es loin d'être l'un deux, regarde ce que tu as fait dans ta vie jusqu'ici. Tu as 24 ans et tu as déjà sorti plus de 7 projets à succès avec tes potes ! Vous êtes des génies Ken, et toi en particulier. 


Il tourna la tête vers moi, les lumières de la Tour Eiffel se reflétaient dans ses yeux, les faisant ainsi briller.

- Fais attention tu fais la groupie là un peu, finit-il par me dire en se moquant.

Je le tapai légèrement en guise de défense, ce qui le fit rire alors qu'il essayait de se protéger du mieux qu'il pouvait. Son rire transperçait le noir et le rendait presque rassurant, comme celui d'un enfant qui illumine tout ce qu'il y a autour.

Nous sommes restés encore une heure à se chamailler comme ça, nos rires réchauffant ce bord de Seine balayé par le vent d'automne.

Nous nous décidâmes enfin à rentrer, un peu à contre coeur, mais chacun de nous était fatigué par la semaine passée.

Sur le chemin du retour, l'air s'était refroidi et je frissonnais.

- T'as froid ?, me demanda Ken.

- Nan je joue des castagnettes avec mes dents, c'est mes gênes qui s'amusent.

- T'es con, tiens prend mon pull, me répondit-il en me le tendant après l'avoir enlevé.

- C'est tellement cliché, répondis-je sur un ton joueur.

- Tu préfères crever de froid ?

Je fis une grimace, ce qui fit apparaitre ce petit sourire au coin des lèvres de Ken, et mis son pull.

Une forte odeur de parfum masculin envahit mes narines, et je fermai les yeux pour l'apprécier en souriant.

- Gentleman only, soufflai-je.

- Ouais j'avais bien aimé quand tu m'en avais aspergé du coup je l'ai acheté après.

Je tournai la tête vers Ken, toujours en souriant. Cette odeur me rappelait beaucoup de souvenirs. Déjà celui du premier rendez vous pour le projet avec Ken, et puis surtout, mon père. C'était son parfum préféré et chaque année je lui en offrais une bouteille pour Noël, c'était notre tradition.

Je le remerciai pour le pull et nous nous remîmes en marche, dans un silence apaisant.

Arrivés devant la porte de mon immeuble, nous nous arrêtâmes l'un en face de l'autre.

- Tu veux monter ?, lui proposai-je sans trop réfléchir à ce que je disais.

- Non merci, c'est mieux que je rentre.

- Tu as raison, répondis-je en me rendant compte de ce que je venais de dire.

Il avait la tête haute et cherchait mon regard, je relevai la tête et plongeai mes yeux dans les siens.

- Je veux faire les choses bien maintenant, Anaïs. Merci de m'avoir donné une autre chance.

Je restai bouche bée et ne sus pas quoi répondre. Il s'approcha de moi et posa un baiser sur ma joue, puis il se recula, me sourit le plus sincèrement possible et se retourna pour rentrer chez lui.

Je le regardai s'éloigner, sans bouger.

Encore une fois, il avait réussi à me faire perdre mes moyens. Mais cette fois-ci, c'était différent. Ses yeux plongés dans les miens, comme deux miroirs en face l'un de l'autre, j'avais compris que je ne pouvais plus résister. 

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