La Miraculée

53 6 3
                                    

Depuis toujours, le monde demeurait régit par des règles. Immuables et ancrées au plus profond de tous, ces dîtes règles apportait un semblant de stabilité, un équilibre solide à l'humanité, lui conférant ainsi un sentiment constant de sécurité, et de confort. Écrites depuis la nuits des temps, ces lois dirigeaient le monde et son peuple sur un chemin tout tracé, promesse d'une vie paisible et sans trop de soucis. Ainsi, pareils à des bêtes guidées par un berger nommé Destin, les Hommes suivaient et enseignaient ces règles à leurs enfants, qui les enseigneraient à leur descendance et ainsi de suite, comme une leçon intouchable et devise première de tous. C'était peut être cela, le bonheur : une impression éternelle d'une routine écrite pour tous. C'était sans doute triste, mais encore aurait-il fallu que le monde apprenne à pleurer pour s'en rendre compte.

Withered Flower, elle, avait su pleurer dès sa naissance. Jeune fille fougueuse, à la langue bien pendue, également très indomptable dans ses mauvais moments, elle demeurait d'une vivacité, inventivité exacerbée. Elle savait lire, écrire et compter, demeurait curieuse du monde qui l'entourait, de ses légendes et secrets. D'aussi loin qu'elle s'en souvenait, elle avait toujours eu la nette conviction que le monde n'était qu'un pantin désarticulé, accompagnés de spectateurs mornes et ennuyeux. C'était peut être pour ça qu'elle demeurait incriminée ce jour là, conduite à la place des Fleurs Noires, lieu d'exécution pour des citoyens simples, et donc les plus vite oubliés. Ainsi, on condamnait les individus avides de vérité et de solutions pour un monde peut être un peu plus beau.

Plus exactement, les Rouges Capes, milice de l'Empereur actuellement au pouvoir, avaient effectué une fouille importante chez elle, décelant de nombreux ouvrages interdits, traitant d'autres pays à découvrir, de peuples cachés, de trésors merveilleux, ou bien encore des Bels Esprits, une légende aussi vieille que le monde. Depuis de nombreuses années, cette légende avait fait polémique sous le règne de l'actuel dirigeant : une créature composée de deux humains amoureux, possédant des pouvoirs dépassant tout entendement. C'était inconcevable.

L'Homme était fait pour n'être qu'un, pour diriger et vivre aux côtés de l'être aimé sans toutefois devenir une de ces bêtes monstrueuses décrites dans les ouvrages de la bibliothèque royale. Jugés comme des œuvres maléfiques d'une quelconque entité, ou bien d'un ancien dirigeant paria, les Bels Esprits, représentant une menace pour la sécurité du peuple, de par leurs pouvoirs trop grands, avaient été chassés, exterminés sans aucun jugement véritable. On tuait par peur de la différence, d'une potentielle domination, on tuait, parce que l'on ne comprenait pas ces êtres. Parce que l'on ne voulait pas comprendre. Rares demeuraient ceux "victimes" de ce phénomène, cela ayant causé un nouveau sujet de discorde. La crainte avait fait place à l'envie, l'envie de s'unir pour devenir plus puissant qu'un dieu. Puis l'on revenait sagement à sa place, parce que, de toute manière, personne n'était plus puissant que l'Empereur, et si l'on voulait garder sa tête sur ses épaules, il fallait se taire, obéir, plaire.

Toujours était-il que ces créatures aux origines si controversées demeuraient encore un mystère. C'était pour cela que malgré les risques encourus, Withered Flower avait souhaité poursuivre les recherches de ses ancêtres, en secret face à sa famille ne l'ayant jamais vraiment comprise. Withered Flower passait son temps à écrire, ses parents, eux, lui cherchaient activement un mari, comme pour toute jeune fille de bonne famille. Mais Withered Flower, elle, n'avait cure d'avoir mari riche, des enfants nombreux et une vie tranquille. Elle cherchait, cherchait toute trace possible d'une quelconque solution face à ces problèmes couvrant le monde depuis bien des années déjà.

Cependant, rien ne valait un écrit falsifié face à la vie d'une famille entière, dévouée à Sa Grandeur depuis de nombreux siècles. Bien vite Withered Flower avait été découverte, blâmée, livrée à la Cour Impériale. On s'assurait ainsi que la survie du Clan, et s'octroyait une belle récompense, par dessus le marché. Ce jour là, Withered Flower s'avançait vers sa mort, se faisait traîner, du moins. On l'avait rouée de coups, son beau visage à la peau blanche demeurait tuméfié, ses cheveux crème, couverts de sang. Elle avait piètre allure, nue, chétive, livrée aux rires de la foule, blâmée de tous, prouvant encore la suprématie d'un Empereur la fixant du haut de son estrade.

La coutume voulait qu'un condamné se fasse dévorer par un tigre. Ainsi, le fauve attendait, la bave aux babines, prêt à dévorer la pauvre jeune fille jetée dans les fleurs sombres. Elles avaient un parfum lourd et entêtant, mais demeurait à cet instant la seule chose que Withered Flower pouvait apprécier, lui offrant un doux tapis, contrairement au sol froid et crasseux de sa cellule. Ainsi, elle mourrait, sa famille demeurait sauve et encline à une vie de paresse et de luxe. Elle, finirait dans l'estomac d'un tigre, ses écrits, brûlés et oubliés. On lut la sentence, assura la famille d'une tranquilité éternelle, décorée par le souverain, et lâcha le fauve. Ainsi, c'était fini. Le fauve ouvrait déjà sa gueule béante sur le coup de Withered Flower, qui, de son regard morne, et si tranquille, l'observa, et, dans une ultime audace propre à sa personne, sourit.

Ainsi, il y eut un mais. Une discordance dans l'histoire toute établie. Le tigre se recula, s'allongea, entourant la jeune fille. Ce fut l'étonnement général dans la foule. On voulut remplacer le tigre, le second se lova avec plus d'amour encore contre la jeune fille encore vivante, ne réagissant pas. On essaya encore, jusqu'à ce qu'une silhouette ne s'avance, vêtue de nombreuses mousselines de soie. Elle vint entourer Withered Flower de ses bras puissants. La jeune fille ne retint qu'un regard gris, fatigué, et un sourire comme paisible, qu'elle ne prit cependant pas tout à fait en compte. Elle voulait simplement dormir, et rêver de son petit monde adoré. Un monde juste et sans corruption. Sans même le savoir, Withered Flower fut graciée, graciée des tigres et de l'Empereur lui-même, la conduisant au palais. Et c'était peut être mieux ainsi.

Bels Esprits Où les histoires vivent. Découvrez maintenant