Chapitre 1 (partie 1) : L'horreur

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Paris, France, le 13 novembre 2015

Ma brosse ronde dans une main, mon sèche-cheveux dans l'autre, je m'échine à lisser ma crinière qui me donne du fil à retordre. Inutile, de toute façon, de viser le brushing parfait, mes longueurs finiront en chignon quoi qu'il arrive. Au moment où j'éteins cet appareil bien trop bruyant, je perçois la voix chaude et sexy de Justin Timberlake provenant de la cuisine.

Je peste intérieurement contre cet appel qui tombe au plus mal. Je dois me rendre au boulot dans à peine une heure et je n'ai toujours pas dîné. Autant dire que toute source de distraction risque de me faire prendre un temps précieux !

À moitié vêtue, je traverse mon appartement et parviens à décrocher de justesse avant que mon interlocuteur ne tombe sur ma messagerie.

— Chloé ? tonne la voix inquiète de Sébastien, mon petit ami.

J'entends un brouhaha assourdissant en fond sonore, ce qui rend la communication vraiment très désagréable.

— Oui, mais je suis en retard, tu pourrais me...

— Allume la télévision ! s'exclame-t-il sans me laisser terminer ma phrase.

— Chéri, je n'ai pas le temps pour...

— Bon sang, Chloé ! Il vient d'y avoir un attentat au Bataclan ! Allume ta putain de télévision !

Les mots s'impriment en lettres écarlate dans mon cœur.

Attentat. Bataclan.

Ça ne peut pas être si terrible que ça. Nous sommes en sécurité, ici, en France. La guerre ne fait pas partie de notre quotidien. Seb doit forcément s'emballer pour rien.

Anesthésiée, je fixe le mur devant moi, incapable de bouger, tentant de dédramatiser une situation qui échappe à mon contrôle.

— Chloé ? CHLOE ? s'énerve mon interlocuteur face à mon silence.

Comme un automate, je m'avance vers le poste, attrape la télécommande et zappe sur la chaîne d'informations. Quelques secondes suffisent pour comprendre que la situation est dramatique. Des images effroyables s'immiscent dans mon esprit, tandis que je me retiens de respirer. Ça ne peut pas être réel...

Fusillades.

Victimes.

Bombardements.

Attentats,

Attentats,

Attentats...

Ce mot, répété inlassablement, source de peur et de larmes, qualifie un acte effroyable que nous sommes nombreux à craindre.

— Bordel, réponds-moi ! s'impatiente mon petit ami.

— Je suis là. Je viens d'allumer la télé, réponds-je d'une voix blanche.

— Est-ce que tu as des nouvelles de tes parents et de ta sœur ?

Papa, maman, Manon...

Ils sont là-bas, plongés au cœur de cette apocalypse engendrée par des hommes sans cœur. Je fixe l'écran, espérant secrètement voir ma famille apparaître saine et sauve, mais tout n'est que désolation. Le nombre des victimes augmente de minute en minute. Sont-ils blessés ? Ont-ils réussi à se mettre à l'abri à temps ? Seigneur, faites qu'ils s'en soient sortis !

— Je... Non.

Les présentateurs commentent les faits comme si la fin du monde venait de nous frapper. Finalement, c'est peut-être bien le cas... Pour tous ces gens prisonniers de ces monstres et de leur cruauté, la fin des temps prend, ce soir, des allures de réalité.

— Tu devrais essayer de les appeler.

— Et s'ils ne répondent pas ?

— Ils vont répondre. Appelle-les et tiens-moi au courant quand tu les auras eus en ligne. Je suis sûr qu'ils vont bien.

Il semble confiant. Je le suis nettement moins. Incapable de détacher mes yeux des informations, je sens mes jambes flageoler dangereusement. La panique commence à me gagner alors que je prends peu à peu conscience que ma famille fait peut-être partie des personnes touchées.

Les doigts tremblants, je sélectionne le numéro de mon père. Pas de réponse. Je fais de même avec ma mère et, ensuite, ma sœur. Aucune réponse. J'essaie encore. L'angoisse engourdit mes membres et je me sens de plus en plus livide à force de voir mes tentatives échouer les unes après les autres. Refusant d'abandonner, je continue à les appeler, priant de tout mon cœur pour qu'ils soient en vie. Les yeux rivés à la télévision, j'enchaîne les coups de fil, tombant sur les répondeurs encore et encore.

Ils vont répondre.

Ils sont en vie.

Ils vont bien.

Wolves (BMR Edition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant