Quatre chiens et un manteau de fourrure

Appel

Shelby Richards réfléchissait. S'il y avait bien une catégorie de criminels qu'elle exécrait tout particulièrement, c'étaient ceux qui s'en prenaient aux enfants. Sa carrière avait beau en être à ses débuts, l'inspecteur Shelby Richards était chevronnée. On lui avait à plusieurs reprises confié ce genre de cas et, à chaque fois, elle avait pris plaisir à voir les criminels qu'elle avait débusqué, lourdement condamnés grâce aux preuves accablantes qu'elle avait méticuleusement réunies. Cette idée réveilla en elle un pincement au cœur familier et elle sortit un polaroid du tiroir de son bureau. Katie... sa petite Katie. Elle sentit sa gorge se serrer. Comment un être humain pouvait-il faire cela ? Elle reposa le cliché instantané.

- Centrale de la police, Inspecteur Shelby Richards. Quelle est votre urgence ?

- Mon nom est Alicia Pierce, je travaille chez les Kimball. Je...

Un sanglot sec la fit s'interrompre.

-Je crois que je... Monsieur Kimball est étendu sur le tapis. Il me semble qu'il est mort,L'inspecteur exhala-t-elle péniblement dans un souffle.

-Je vous envoie une patrouille immédiatement.

11 ans plus tard...

Marco donna le tempo. Les premières mesures s'élevèrent dans la pièce, émouvantes et lyriques. Les harmoniques, la mélodie et les accords formaient un ensemble voluptueux. Lorsque le trombone et le saxophone commencèrent à jouer, un frisson parcourut la salle. Le morceau s'habillait d'une pointe de mélancolie et cela donnait quelque chose de vraiment ravissant. Il ne pouvait s'empêcher de tressaillir en rythme avec la musique. C'était d'une telle puissance... Marco Rucci secoua la tête. A quoi bon rêver ? Il ne redeviendrait jamais celui qu'il avait été à cette époque. Avec un sourire las, il chassa ce souvenir heureux. Sans indulgence, il s'examina dans le miroir de la petite chambre d'hôtel payée avec le peu d'argent qui lui restait. Il avait maigri pendant toutes ces années passées en prison. L'expression d'accablement et de découragement qu'avait pris son visage faisait peine à voir. Chacun pouvait sentir qu'il était à bout de forces. C'est ce qui arrivait aux innocents qui se retrouvaient aux prises avec un système judiciaire injuste, songea-t-il. Ils finissaient brisés. Il sentit la colère monter en lui. Il avait été un musicien de talent. Mais son existence avait été ruinée. Il avait payé pour quelqu'un d'autre.

Marco regarda dans le vague. Il se sentait en proie à une rage meurtrière. Tout était parti de la relation qu'il avait entretenu avec cette petite arriviste de Belén Kimball. Que lui avait-il pris de fréquenter cette fille ? Il en était persuadé, c'était elle qui avait tué son mari James Kimball, le célèbre investisseur, ricana-t-il . Il en était sûr. Elle s'était servie de lui. Il avait dû être aisé pour elle de se fabriquer un alibi . Et surtout, il devait se rappeler qu'elle n'avait pas fait le moindre geste pour l'aider. Elle l'avait laissé condamner pour un meurtre qu'il n'avait pas commis.

Il jeta un nouveau regard à son reflet et sa colère retomba d'un coup. Cette affaire avait gâché onze ans de sa vie. Il s'était affaibli. Mais il savait qu'il était innocent et il tenait à réhabiliter sa réputation lourdement entachée. Pour cela, il s'en rendait compte, il devrait trouver la vérité, réunir des preuves...