Epilogue

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Anéanti. Il était anéanti. Des menaces ? Un pâle sourire éclaira son visage. Dans un sens cela signifiait qu'il approchait du but. Mais il était sur le qui-vive. A quoi devait-il s'attendre ? Il ne put empêcher ses yeux inquiets de fouiller la pièce avec fébrilité. Rien. Tout était normal. Il se détendit imperceptiblement. Se moquant de ses craintes, il eut un petit rire sans joie. Il était dans ce modeste hôtel, que pouvait-il bien lui arriver ? Il avait eu beaucoup d'émotions ces derniers temps et il était épuisé voilà tout. Il était presque parvenu à balayer le sentiment d'inquiétude qui le tenaillait depuis sa conversation avec Hippolyte quand une voix rauque lança depuis le seuil :

-Je suis désolée, Marco.

Lentement, il se retourna.

-Vous vouliez que je vous parle de Katie ? Très bien, je vais le faire.

Il eut envie de crier, de hurler, de fuir. Mais il ne fit rien de tout cela. Sa main gauche se crispa sur l'enveloppe en papier bleu chiffonnée dans sa poche.

-Shel..by... , articula-t-il avec difficulté.

Elle l'ignora et sa voix s'adoucit quelque peu lorsqu'elle continua :

-Katie était mon unique enfant. Personne ne peut s'imaginer ce qu'elle représentait pour moi.

Elle tira un Colt 38 de sa poche. Son arme de service.

-Quand j'ai appris que James Kimball l'avait tuée...

-Mais je croyais qu'elle avait disparu, qu'on ne l'avait jamais retrouvée, balbutia Marco tentant de se ressaisir.

Et dire qu'il avait eu la prétention de vouloir se mesurer à elle ! Elle eut un rire de dérision totalement incongru.

-C'est la version officielle.

Sa bouche prit un pli dur, sinistre.

-La vérité est bien différente. C'était un accident. James Kimball roulait trop vite. Peut-être même qu'il avait bu. Il a percuté Katie. Elle n'est pas morte sur le coup et peut-être aurait-elle pu être sauvée... Mais Kimball était paniqué, éructa-t-elle avec mépris. Il s'est enfui. Quand on l'a découverte, il était trop tard. Rien que pour sa lâcheté, il méritait d'être tué. Mais ce n'est pas tout ! C'était un investisseur. Ses placements habiles l'avaient rendu riche. Et l'affaire a été étouffée !

-Mais je ne comprends pas... Comment...

-Alors j'ai élaboré un plan. La femme au manteau de fourrure avec quatre chiens ? C'était moi !

Son éclat de rire sarcastique résonna dans la pièce. Extravagante sonorité.

Vêtue d'un manteau de fourrure, d'une perruque blond vénitien et d'une aigrette de diamant , je me suis rendue à son domicile. Sous ce déguisement, je suis passée totalement inaperçue. Voyez-vous Marco, les gens se souviennent d'une démarche altière et élégante, de vêtements coûteux ou d'une coiffure ridicule et ils font beaucoup moins attention aux traits du visage. En tout cas, cela a bien fonctionné. Personne n'a fait le rapprochement avec moi. Alors je ne vais pas vous laisser gâcher tout cela maintenant. J'ai réussi le crime parfait , j'ai réussi ma vengeance , pérora-t-elle. Je suis un inspecteur assidu. J'ai fait triompher la justice.

Elle allait le tuer. Il le savait.

-Et voilà que vous débarquez comme un véritable inquisiteur...

Sans lui laisser le temps de poursuivre, il se jeta sur elle. D'instinct. Deux coups retentirent successivement et l'inspectrice Shelby Richards s'effondra sous le regard ahuri de Marco. Elle avait tué James Kimball, et elle avait voulu le tuer. Et maintenant elle était morte. Il n'arrivait pas à réaliser. Désemparé, il fixa l'arme qui était restée dans sa main. Personne ne le croirait. Il allait finir ses jours en prison. Il ferma les yeux et se remémora les rangées de grillage et de barbelés, l'uniforme de prisonnier... Jamais il ne pourrait supporter tout cela à nouveau. Il devait trouver une solution. Il n'avait pas le choix. Mais il ne parvenait pas à réfléchir. Seules quatre lettres s'imposaient dans son esprit : F-U-I-R . Il devait fuir, par n'importe quel moyen. Un pesant moment s'écoula. Peut-être quelques minutes, peut-être une heure complète il n'aurait pas su le dire. Il n'y avait plus d'issues. Le Colt 38 était resté dans sa main, et presque inconsciemment il pressa la détente. La balle l'atteignit en plein cœur et il mourut dans un dernier râle.

Seuls les plaintifs aboiements frénétiques d'un chien retenu dans la chambre voisine osèrent troubler ce ténébreux silence.


Quatre chiens et un manteau de fourrureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant