Rencontre

9 2 3
                                    

Belén Kimball parcourut d'un pas vif les quelques mètres qui la séparaient du Lake Dinner. Un lieu que l'on ne risquait pas de découvrir par hasard mais qui servait les meilleurs cocktails qui puissent exister. Un brouillard opaque envahissait peu à peu la rue et Belén releva le col de son imperméable noir. Tout était plongé dans l'obscurité hivernale et c'est avec plaisir qu'elle aperçut la façade bleu pâle du petit restaurant. Savourant la chaleur diffuse de la salle, elle passa commande avant de s'asseoir à une petite table près d'une charmante cheminée où d'énormes bûches crépitaient. Ces derniers temps elle était d'une humeur de plus en plus massacrante. Tout en sirotant son Mojito fraise, elle se mit à ressasser les sombres pensées qui ne la quittaient plus depuis maintenant onze ans. L'excitation première que lui avait procuré le fait d'être au cœur d'une affaire de meurtre était bien vite retombée. Un éclair de dureté d'une implacable froidure passa dans ses yeux sombres comme la nuit. Elle devait bien reconnaître que cet assassinat était tombé à pic. Son mari l'avait convoquée, il n'y avait pas d'autres mots, dans ce restaurant à la dernière mode qu'ils avaient l'habitude de fréquenter, se remémora-t-elle. Elle était sûre qu'il savait pour Marco et elle. S'il n'avait pas déjà tout découvert, il avait au moins des soupçons. Mais elle était certaine de parvenir à le rassurer. De toute façon elle n'avait pas d'autre choix. A l'époque, James représentait pour elle la sécurité matérielle et elle aurait eu trop à perdre avec un divorce. Sa bouche esquissa un sourire un brin cruel. Le contrat de mariage lui octroyait une rente confortable suite au décès de son mari et elle en était pleinement satisfaite. Oui, vraiment la mort de James avait mis fin à toutes les inquiétudes qu'elle avait pu avoir ce soir là. Avec irritation, ses doigts tambourinèrent sur la petite table rouge. Mais elle n'arriverait jamais à se faire accepter parmi la haute société, elle le savait. Et elle n'en pouvait plus de ces regards méprisants et condescendants qui la suivaient partout où elle allait. Levant les yeux, elle sursauta. Elle était tellement absorbée par ses réflexions qu'elle n'avait pas vu arriver l'homme qui était maintenant assis à sa table juste en face d'elle. Stupéfaite, elle regarda longuement ces yeux qui la fixaient avec un mélange de haine et de dégoût. Elle avait failli ne pas le reconnaître. Il fallait bien avouer qu'il avait beaucoup changé depuis onze ans qu'elle ne l'avait pas vu.

- Marco, je pensais justement à toi. Je tenais à te remercier car si c'est vraiment toi qui a tué James je te dois beaucoup, susurra Belén, venimeuse.

Sa voix n'avait pas changé, une voix délicieuse, chaude et pleine de soleil. Une voix qu'il avait fini par détester, songea-t-il. Elle le provoquait. Il décida d'ignorer sa remarque.

- Venons-en au fait. Crois-moi cela me répugne vraiment de te demander un service mais je n'ai personne d'autre vers qui me tourner, commença Marco d'une voix dénuée d'émotion.

- En somme, tu viens implorer de l'aide, résuma-t-elle d'un ton ironique.

Il soupira sans répondre. Il n'était pas venu ici pour se disputer avec elle et il voyait bien qu'il perdait son temps. Elle ne l'aiderait jamais. Quelle idée avait-il eu de venir la trouver ! Il savait ce qu'il lui restait à faire.

Quatre chiens et un manteau de fourrureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant