Mes paupières étaient lourdes. J'entendais des dizaines de personnes qui s'agitaient, parlant une langue qui m'était inconnue. J'eus l'impression que des poids étaient posés sur mes yeux et il me semblait que ces voix étaient celles de jeunes femmes.
Mes oreilles sifflaient, et j'avais du mal à saisir ce qui se passait autour de moi. Étais-je mort ?
Soudain, une porte claqua, et s'en suivit une baisse progressive du bruit, des échanges animés entre ces femmes.Une personne à la démarche corpulente marcha doucement, et seul ses bruits de pas résonnèrent dans la salle qui devait être apparemment immense. Sa marche était irrégulière mais il avait l'air de savoir où il allait. Puis, arrivant à mon niveau, il s'arrêta. Pendant plusieurs secondes, l'environnement qui m'entourait restait mort. Je sentis comme un regard pesant qui s'appuyait sur mon visage, comme si il essayait de me dévorer de l'intérieur.
Sans prévenir, mes yeux s'ouvrirent, forcés par les doigts boudinés de l'imposant personnage qui n'eut pas l'air de faire attention à ce que je ressentais. La lumière extrêmement puissante ainsi que la couleur blanche du sol, des murs, du mobilier et des blouses des personnes présentes m'éblouissaient tellement que je peinais à rester éveillé. Il passa son œil droit au dessus des miens et observa attentivement l'intérieur, ce que je fis aussi par la même occasion. Sans réfléchir, il lâcha mes paupières, qui retombèrent alors aussitôt en faisant un bruit étrange. Je n'osais plus les ouvrir...Cette personne devait être un médecin, il était donc là pour nous aider, mais pourquoi est il si peu attentionné avec ses patients ?
Il fit un demi-tour, avec un crissement de chaussures, et repartit d'un pas plus rapide et plus sûr, en se dirigeant vers l'endroit d'où il était venu. Une fois la porte fermée, l'agitation reprit son cours et je me permis d'ouvrir les yeux, cette fois ci, avec plus de facilités.
Je me trouvais dans un immense dortoir où le toit était très haut et paraissait ancien.
Les infirmières ne perdaient pas un instant et s'occupèrent des blessés à la chaîne. Une trentaine de lits se situaient d'une part et d'autre du long dortoir, semblable à un couloir gigantesque. Le sergent Moxcon se trouvait dans le lit en face de moi, le ventre bandé et le crâne entouré d'un pansement gigantesque. Le voir ici, avec moi et vivant me rassura, mais j'eus beau chercher mes autres camarades, je ne les apercevait pas. Une infirmière s'approcha de moi et commença alors, à s'occuper de mon cas :
«Vous avez toujours mal à la jambe ? Demanda-t-elle en anglais, avec un accent français.
J'avais presque oublié ma blessure...
- heu... je... oui, ça va mieux. Merci... je me mis à balbutier.
- je vais remplacer vos bandages. Relevez la jambe si-le-vous plaît, Exigea-t-elle.
J'effectuai sa demande, tout en serrant les dents, pour éviter de faire sortir la douleur par la bouche.
- Excusez-moi, mais sauriez vous où est le reste de ma brigade ? Lui demandais-je poliment.
Elle ne me répondit pas, finit sa tâche, et annonça l'air gêné, une fois partie vers un autre lit :
- On n'a rien pu faire pour eux.»Sa froideur, et son manque de compassion ne m'aidèrent pas à me rétablir, toutefois, elle ne pouvait s'empêcher de me regarder furtivement, rougissant quand je m'en apercevait. Elle revint à plusieurs reprises, voir comment se portait mon membre handicapé, et me souriait de plus en plus au fur et à mesure des ses visites. Rien ne me rendait plus heureux que de lui redonner le sourire à la fin de la journée, longue et contraignante. Les jours passèrent, durant lesquels nous essayions de nous rapprocher pour finalement devenir dépendants l'un de l'autre. Elle s'appelait Laure et elle était d'une gentillesse qui se faisait parfois timide. Ses cheveux étaient blonds, presque châtains, elle avait 21 ans et n'était pas très grande. Son sourire souvent inexpressif, avait le pouvoir d'envouter n'importe qui, et sa voix était d'une douceur cristalline, capable de bercer le plus turbulent des nourrissons. Ses yeux marrons s'illuminaient quand je la faisais rire et quand je lui décrivais San Francisco, ma ville d'origine. C'était la femme de mes rêves...
J'étais donc en vie, en France, non loin de Genève, car je pouvais apercevoir par la fenêtre la plus proche, le lac Léman.
Notre objectif final était atteint. J'avais enfin terminé ma mission.
Notre but était de secourir les villes françaises de Thonon, Annemasse et d'Evian, qui auraient potentiellement pu être saccagées lors de la retraite allemande.
Enfin, j'allais pouvoir demander une permission et me reposer à l'arrière des combats.Deux jours plus tard, je pus enfin prendre l'air à l'extérieur de l'hôpital, mais en béquilles, car ma blessure me faisait intensément souffrir. La chaleur y était accablante, et les infirmières me saluaient, surtout la petite Laure, qui s'était occupée de moi pour la première fois. Nous étions destinée à être amis, voir peut être même plus...
Le paysage était magnifique. Les montagnes des Alpes dominaient le lac, coloré d'un bleu azur. Ce dernier reflétait le soleil couchant sur sa surface limpide et calme, qui remuait au gré du vent. Les nuages blancs couronnaient les pics grisâtres des monts et montagnes, qui se baladaient, de ci, de là tout autour de cette région, que les habitants appelaient Le Chablais.
En Suisse, les plaines verdoyantes parcouraient les bords du lac, jusqu'à rencontrer des vignes ou un château.
Des milans et des hirondelles venus d'Afrique, et synonyme des premières chaleurs volaient au dessus de nos têtes et un bateau à haubans traversaient le lac, accompagné de voiliers, moutons éparpillés à la surface de l'eau. Aussi, Des petites barques de pêcheurs étaient visibles près des bords, en train de se préparer pour aller poser les filets...Ça y est. Je suis enfin sauvé. La vie recommence-t-elle à partir d'aujourd'hui ?
Je l'espère...
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Tirs croisés
Teen FictionConstance et Franck, pourtant séparés par le temps, vont vivre une aventure hors du commun. Ils vont devoir survivre dans un monde dévasté par le deuil et le désespoir pour découvrir la vérité, si terrifiante mais attirante soit elle. Cet univers, c...