Épilogue

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Juste un petit épilogue pour vous remercier...

14 Juillet 2024

Épilogue

Je m'essuie les mains sur mon tablier de cuisine à fleurs que Melly a osé m'offrir quand on a déménagé. Je ne lui dirai pas mais je l'adore. Il est moche, ridicule et rose mais je l'aime bien. Je renifle doucement et ouvre le frigo. J'attrape le beurre dans la porte et la referme aussitôt. Je retourne au plan de travail. Je prends une profonde respiration en regardant tous les ingrédients que j'ai déjà sortis pour faire mes célèbres roulés au chorizo pour l'apéro. Je n'ai plus qu'à me lancer...

Je remonte mes manches et casse mes œufs, un sourire aux lèvres. D'un regard par la fenêtre, je vérifie que le chien n'est pas sorti du jardin pour aller faire un tour dans le quartier comme il en a pris l'habitude ces derniers temps. Mais il est bien là, allongé de tout son long sur la terrasse, se réchauffant au soleil de cette fin d'après-midi.

Je vais chercher une fourchette, donne un léger coup de pied dans un jouet pour m'éviter de tomber et fredonne cette comptine que j'ai en tête depuis ce matin. Je n'en peux plus. J'allume la radio et aussitôt une vieille chanson résonne dans la grande cuisine. Kissing Strangers. J'avais oublié son existence mais pas ses paroles bizarrement.

Tout en continuant de cuisiner, je me chante à tue-tête et me déhanche comme je peux sans en mettre partout. Je m'apprête à hurler le refrain quand une main glisse sur mes fesses. Je sursaute de peur, faisant tomber ma fourchette par terre bien entendu. Je secoue la tête et j'entends sa voix me lancer :

« Tu bouges bien ton corps, dis donc ! Tu pourras le bouger comme ça pour moi, ce soir ? »

                Il s'empare du lobe de mon oreille gauche et le mordille avec application. Je déglutis parce que je sens déjà l'excitation monter en moi.

« Parce que tu crois qu'on sera pas trop crevés pour faire ce que tu as en tête ? »

                Il grogne de mécontentement mais je suis sûr qu'il sait que j'ai raison. Il me pince la hanche comme il en a l'habitude et va se servir un verre d'eau pendant que je mets mon couvert sale au lave-vaisselle, passe un sopalin sur le sol et reprend rapidement une fourchette.

« Tu crois qu'on pourra recoucher ensemble avant qu'elle ne parte à la fac ? »

                Je ricane en levant les yeux au ciel. Je lui jette un coup d'œil. Il a des petites pattes d'oie aux coins de ses yeux bleus toujours aussi brillants. Il n'a toujours pas l'intention de se raser la barbe et maintenant qu'il est persuadé qu'il perd ses cheveux blonds, je crois qu'il chérit encore plus ses poils de barbe. Je souris à cette pensée. Mais quoiqu'il en soit, il est toujours aussi beau, aussi lumineux. Je me reprends et lui réponds :

« J'espère bien qu'elle aura fini de faire ses dents d'ici là ! » je plaisante. « En tout cas, je peux te dire qu'elle saura marcher à ce moment-là. Elle a encore fait le tour de la table basse toute seule tout à l'heure. »

                Du coin de l'œil, je le vois baisser les yeux, tout en donnant un petit coup de pied dans un caillou imaginaire. Il est gêné, il fait toujours ça dans ces cas-là.

« Va la chercher, elle te le refera avec plaisir pendant que je fais la popote. »

                Il hausse les épaules et je souris malgré moi. A vivre ensemble au quotidien depuis un peu moins de quatre ans, j'ai réussi à déteindre sur lui. Pour mon plus grand plaisir.

« Tu sais, elle n'a pas cessé de te réclamer aujourd'hui. »

                Il relève les yeux vers moi et je vois aussitôt, l'espoir qui les transperce. Il ne se rend pas compte à quel point sa fille l'aime. Elle n'a peut-être qu'un an mais cela ne change rien. Je vois bien son regard et son sourire quand elle voit une photo de lui ou quand il arrive à la maison le soir, ou quand je lui parle de lui. Elle sait que c'est son père, au même titre que moi.

« Vas-y ! » j'insiste en posant le chorizo sur la planche à découper.

                Il a un petit sourire avant de sortir de la pièce et j'aime le voir aussi heureux. Depuis que nous nous sommes mis – enfin remis – ensemble avec Matt, tout n'a pas été une partie de plaisir. J'ai dû accepter le fait qu'il était déjà papa. Camille a eu six ans, il y a deux mois. Son ex a dû accepter le fait que Matt avait refait sa vie. Avec un homme. Ça a créé des situations humiliantes, blessantes et surréalistes mais je ne sais par quel miracle, nous avons réussi à survivre à tout ça, tous les quatre et surtout à se mettre d'accord sur à peu près tout.

                Puis, il y a de ça deux ans, voyant qu'on était bien installés dans notre vie, j'ai voulu un enfant. Certes, j'aime Camille comme tel mais il me manquait quelque chose. Une reconnaissance. Une paternité. Un enfant avec mon nom. Il n'aurait pas mon sang mais je m'en contrefichais. Je voulais que tout le monde sache que j'étais son père. J'ai donc adopté Kaylee. Elle est avec nous depuis moins de six mois mais c'est comme si elle avait toujours été là avec nous.

Depuis son arrivée, j'ai pris la décision de travailler depuis la maison. C'est l'avantage d'être journaliste, écrire un article peut se faire depuis partout. Il faut juste que je sois présent aux réunions éditoriales tous les vendredis. Matt, de son côté, n'a pas cette chance. Il est vétérinaire et ne peut pas soigner les animaux depuis notre salon entre deux biberons.

Il en souffre, je le sais et je crois qu'il prend conscience de ce que j'ai pu vivre au début avec lui et Camille. Cependant, je ne peux clairement rien faire à part le rassurer et lui montrer à quel point Kaylee l'aime. Puis, lui, il est le père de Kaylee au même titre que moi. En tout cas, officieusement, il l'est. Elle l'appellera papa quand elle saura parler. Alors que moi, je serai dans le meilleur des cas Lulu pour Camille.

Le rire de Kaylee me ramène à la réalité. Je me décale et je les regarde s'amuser tous les deux. Un sourire tendre apparaît sur mon visage. Camille les rejoint, les mêmes yeux pétillants que son père. Tandis qu'ils se mettent à danser sur la musique qui passe toujours sur ma radio, je m'appuie sur le chambranle de la porte, une fourchette à la main et je me dis que ça valait vraiment le coup que j'embrasse cet inconnu sur ce toit.

Kissing StrangersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant