chapitre 1.0 : Tia

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Beaucoup de personnnes aimeraient vivre à Margarita, mon village natal, parce qu'apparemment, cette bourgade enclavée entre des montagnes verdoyantes est le plus bel endroit de la terre. Une version terrestre du paradis. Peut-être faites-vous partie des amoureux de Margarita, on ne sait jamais. Je m'en veux alors de casser vos illusions, mais si vous pensez que vivre à Margarita est agréable, vous vous enfoncez le bras en entier dans l'oeil. Vivre à Margarita est chiant. Pourquoi? Tout simplement, parce que l'on a aucune vie privée.  Dans ce bled peu peuplé, où tout le monde connait presque tout le monde, où tout le monde veut toujours le bien de tout le monde, où tout le monde a toujours le nez soudé dans les affaires de tout le monde, le linge sale le  mieux gardé se retrouve en permanence exposé au grand public à une vitesse qui me coupe toujours le souffle. Personne n'est à l'abri des commérages, moi incluse. C'est d'ailleurs à cause du rapport circonstancié d'une membre zélée et active de la corporation cancanière de Margarita City, qui "ne veut que mon bien", que je me retrouve coincée dans la cuisine, à me faire vigoureusement remonter les bretelles par ma mère, parce que je me suis risquée à faire une petite ballade en moto avec le soit-disant mauvais garçon du village. Définitivement furieuse, maman use le carrelage à force de touner en rond en vociférant et en brandissant sa cuillère en bois. Moi, je m'efforce de rester zen et je retourne ma langue 7 fois dans ma bouche avant de fournir la moindre réponse, afin de ne pas être privé e de sortie jusqu'à la fin de mes jours. Et surtout pas ce soir.

-...Que ma fille fréquente un individu aussi peu recommendable, non, je ne comprends pas. Je ne le comprendrai jamais. C'est quoi le problème, hein, dis-moi? Ton père et moi, nous ne t'avons pas suffisamment pas accordé d'attention, c'est ça? Tu essaies de te venger en fricotant avec un déliquant?

-Andrew n'est pas un déliquant, maman.

Ma mère freine brutalement pour m'assassiner avec ses yeux. Au moins, elle ne me tournicote plus autour.Le vertige est ainsi temporairement évité.

-Pas un déliquant? hurle maman.  Est-ce qu'on parle bien de la personne qui avait volé la caisse de la supérette de Mr Stevenson?

-M'enfin, c'est de l'histoire ancienne. Ça s'est passé il y a deux ans, man!

-Il est pratiquement passé sur le pied de madame Austin avec sa moto la semaine dernière. Je suppose que je dois considérer ça aussi comme de l'histoire ancienne?

-C'était un accident. Ce n'est pas sa faute si madame Austin est aux trois quart sourde et qu'elle ne regarde pas la rue avant de traverser.

Ma réponse a l'air de la faire sortir davantage de ses gonds. Zut, je devrais peut-être m'en tenir au plan initial et éviter de dire des trucs qui la mettront encore plus en rogne. Je lache un "désolée maman" qui n'a pas l'air d'améliorer son humeur. Elle balance la cuillère sur la table et me regarde avec l'air de vouloir m'étrangler. Puis, elle ferme les yeux et se masse les tempes avec l'extremité de ses doigts en prenant de grandes inspirations.

Quand elle me regarde à nouveau, elle a l'air d'avoir retrouvé un semblant de calme, mais je la connais suffisamment pour savoir qu'il n'en est rien.

-Étant donné que tu changes de petit-amis comme tu changes de soutien- gorge, je me dois, en tant que parent, te poser la question. Est-ce ce que tu sors avec Andrew MacOwen en cachette?

Je pousse  les hauts cris.

-Oh maman, enfin! Bien sûr que non!

-Fais bien attention, avant de me mentir. Parce que je le saurai, de toute façon. Tu sais bien où on vit, n'est-ce pas? Tout finit toujours par se savoir. Donc, si tu me mens, tu sais très bien que tu le regretteras.

- Maman, il n'est pas mon type, ok. Je n'aime pas les garçons crasseux qui se lavent les cheveux seulement quand ça leur chante, c'est à dire très rarement. De plus, il a plus de dix neuf ans, et je ne voudrais pas me taper la honte de ma vie lorsque papa et toi vous le feriez arrêter pour détournement de mineur, si jamais je sortais avec lui.

-pourquoi es-tu montée sur sa moto, alors?

-petit 1, il n est pas nécessaire d'être la petite-amie de quelqu'un pour grimper sur sa moto. Petit 2, il est le seul ici à avoir un engin qui ne soit pas délabré. Et comme je voulais à tout prix monter sur une moto et que papa refuse d'en acheter une, je me suis balladée avec Andrew. Mais je ne sors pas avec lui.

Ma mère pousse un soupir de soulagement qui doit s'entendre jusqu'à la maison voisine. J'hésite donc brièvement avant de lacher.

-Je sors avec son frère.

gardienne des mondes: TiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant