Une femme qui avait pris de la thalidomide a donné naissance à une petite fille en bonne santé. Elle lui change la couche et l'allaite, en utilisant son pied. Je ne suis peut-être pas supposée être heureuse pour elle, mais seul un soucis me travaille.
Le tendon d'Achille de ma jambe droite se raidit. Je déprime.La chose la plus difficile pour moi est d'aller d'une classe à l'autre. Je dois me faire aider de mes camarades de classe ou me tenir à quelque chose quand je marche dans les longs couloirs ou dans les escaliers. Ça me prend beaucoup de temps, et mes amies arrivent en retard en cours.
Le déjeuner est aussi une source de troubles. Tout le monde mange en moins de cinq minutes. Je peux manger une ou deux bouchées maximun en cinq minutes. En plus de ça, je dois avaler des médicaments. Quand je vois que je ne pourrais pas finir de manger à temps, je prends mes médicaments, je scrute les alentours, et si je vois un élève qui est encore en train de manger, je continue en allant le plus vite possible. Je me demande combien de fois j'ai réussi à finir mon déjeuner à l'heure. Je me sens mal pour être incapable de finir le repas préparé spécialement pour moi, et que ce ne soit dû qu'à une question de temps.
Quand j'essaie de finir le reste à la maison, on me dit : « donne-le à Koro. Tu mangeras plus ce soir. »
Ah ! Quel gaspillage ! Déjeuner = Aya + Koro.Y-ko-chan et S-chan m'aident toujours, elles me suivent comme mon ombre.
« Pardon de toujours vous causer du soucis. »
« Nous sommes amies, non ? »
Leurs paroles m'aident à me sentir beaucoup mieux.
« Les amies sont égales. » Mais pas toujours. Spécialement lorsque ça concerne. On doit prendre soin de moi ou je ne pourrais pas suivre la vie à l'école.
Finalement, je comprends pourquoi les professeurs me disent aigrement de faire plus d'effort pour marcher seule.
Il n'y a qu'une seule voie possible pour moi.
Je ne peux choisir parmi les chemins qui s'offrent à moi. Je n'irai jamais sur le même chemin que mes amies.
Si je me force à penser que je suis la même voie que mes amies pour aller mieux, mon propre chemin va disparaître...
J'aimerais partir loin...
J'aimerais taper partout très fort, hurler et crier comme une folle, et m'écrouler en riant....Où est-ce que j'ai envie d'aller.
À la bibliothèque, au cinéma, dans un café (m'asseoir sur une banquette dans un coin et boire une limonade). Mais malgré toutes mes envies, je ne peux me déplacer nulle part toute seule. Je suis pathétique, malheureuse, et il n'y a rien que je puisse faire pour y remédier, juste pleurer.
Je suis un grand bébé. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Une pleurnicheuse qui existe depuis bientôt deux ans. Une si petite créature brisée et déchirée.
Ce qui a changé, c'est que je pleure sans faire de bruit maintenant, et que mon nez ne rougit plus aussi longtemps, comme si j'ai moins pleuré. Verser des larmes ne m'apporte rien de bon. Ça ne fait que me fatiguer, gonfler mes yeux, me bouche le nez, et me coupe l'appétit...Plus tard, je choisirais les conflits avec les gens. Les relations entre humains sont compliquées. Ce n'est pas comme si quelqu'un se trompait, c'est juste le fait de ne pas réaliser les choses les aggrave. Ça ressemble à ma maladie. * larmes *
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Un litre de larmes
SachbücherAya Ikeutchi Aya Ikeuchi est une jeune fille de 15 ans vivant avec ses parents, son jeune frère et ses deux soeurs. Le jour de ses examens pour rentrer au lycée, elle s'endort dans le bus et rate son arrêt. Se réveillant un peu plus loin, elle court...