Trois soldats au milieu du no man's land, grelottant dans un trou d'obus, attendent de regagner leur tranchée : il pleut des projectiles.
Henri, frottant son fusil avec un vieux chiffon noir, se met à chantonner. Ne se voyant pas réprimandé par ses camarades, il continue, un peu plus fort. Lucien, à demi-allongé sur le côté, lui jette un regard noir mais l'artiste ne semble pas le remarquer. Jacques tourne la tête vers lui et l'appelle à mi-voix :
- Henri !
L'homme termine son couplet puis le regarde d'un air interrogateur.
- Mmm ?
- Tu pourrais faire moins de bruit ?
Henri soupire et se tait. Jacques, satisfait, reprend sa position initiale, c'est à dire ventre contre terre dans la boue, au bord du trou. Il guette une accalmie de la part des deux camps pour enfin rentrer mais à une centaine de mètres environ, de froides fusillades le dissuadent de sortir de son abri. Le bruit des balles diminue et il entend alors Henri, qui s'est remis à chanter. Il chuchote :
- Henri !
Aucune réaction ne se fait voir dans le comportement de son camarade alors il reprend, un peu plus fort :
- Henri !
Il s'arrête de chanter.
- Tu veux qu'on se fasse bombarder ? Tais-toi !
Agacé, il se retourne à nouveau, étalant de la boue sur son uniforme déchiré. Lucien guette aussi, sans un mot.
Quelques instants plus tard, Henri recommence à chantonner. Lassé, Jacques ne le brime pas, se contentant de regarder, énervé, le champ de bataille qui s'offre à ses yeux. Lucien, impassible ne quitte plus l'horizon des yeux.
Certain d'être admiré, Henri pose son fusil et pousse un peu la voix, s'appliquant à la faire vibrer par dessus le bruit de la guerre. Jacques s'énerve :
- Tu vas la fermer, oui ou non ?
Blessé, Henri se tait. Jacques est sûrement jaloux, voilà tout. Il ramasse son fusil et le frotte énergiquement. Du revers de sa manche, il essuie son nez dégoulinant, puis se gratte le dessus de la tête.
Un éclair sillonne le ciel et une pluie fine se met à tomber doucement. Intérieurement, Jacques se dit que c'est parce qu'Henri a trop chanté. Il sourit et se remet à scruter consciencieusement. Quelques instants plus tard, un bourdonnement se fait entendre. Il se retourne vers Henri mais ce dernier semble avoir compris la leçon et se tait. Il lève alors les yeux et aperçoit un avion ennemi. Très doucement, il pose sa tête sur le sol et s'applique à rester immobile. Lucien l'imite. Le bruit s'éloigne et les deux soldats entendent Henri, qui s'est remis à chanter. A bout, Jacques se lève et se met à hurler :
- Putain Henri, mais tu peux pas fermer ta gueule ? Tu te rends pas compte des risques que tu nous fais prendre ! Espèce d'abruti !
Henri se lève alors et lui fait face.
- Tu dis ça parce que t'es jaloux !
- Moi jaloux ? Mais t'es con !
Il lève la main pour le gifler mais la petite voix de Lucien l'interrompt :
- Les gars...
L'obus s'écrase sur eux et la pluie cesse, comme après un petit nettoyage, habituel.
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One-Shots
RandomCette oeuvre est un recueil de One-Shots que je vous ai concoctés. Pour moi, un one-shots est un texte court, et dont le but principal est de faire réfléchir le lecteur sur la vie, sur l'humanité en général, mais ils appartiennent quelques fois au...