GALWAY GIRL│H.S.

CHAPITRE 1

HARRY

Différent.

Voilà ce que c'était. Différent.

Tout semblait différent, sans appel, superflu, sans intérêt, méconnaissable, disparate, inhabituel. Mes yeux fixaient sans conviction les grandes baies vitrées de l'aéroport offrant une vue imprenable sur le tarmac de Gatwick. D'aussi grandes vitres pour d'aussi grandes pistes, assis face à ses baies vitrées vous aviez l'impression d'avoir le monde à vos pieds.

Foutaises.

J'avais appris à détester les aéroports depuis la mort de Gemma. Ces endroits beaucoup trop grands qui vous vendent l'évasion et la liberté alors que ce ne sont que de gros tas d'acier ou grouillent des milliers de personnes. Des gens partent, des gens arrivent mais elle, elle ne reviendra pas.

- Mr. Styles, Bienvenue à bord. Me salua l'hôtesse

Mon visage se plissa légèrement, je clignais des paupières avant d'observer son sourire forcé et sa lignée de dents blanches éclatantes. Elle possédait quelques traits similaires à Gemma. Quand elle souriait, le coin de ses lèvres se retroussait légèrement. Je secouais le visage avant de reprendre mon ticket d'embarquement d'entre ses mains. Je pris une courte inspiration, j'observais la file d'attente derrière moi avant de monter à bord du Boeing.

À l'intérieur de la cabine, je me mis à fixer l'allée centrale, puis à observer machinalement chaque siège de chaque rangée, comme si je cherchais quelqu'un. C'était une vielle et déplorable habitude, puis ce que j'étais seul et je n'attendais personne.

J'étais habitué à prendre l'avion, non pas par envie, mais par obligation. Le fait est que j'ai repris l'entreprise de finances de mon père à mes 21 ans et cela fait maintenant trois ans que je passe le plus clair de mon temps dans les nuages entre Tokyo, Paris, Londres ou encore Moscou.

Le plus clair de mon job consistait à négocier des contrats avec des sociétés privées et à signer des papiers, beaucoup de papiers, énormément de papiers, trop de papiers. Pour faire simple, je rachetais des sociétés en faillite pour les revendre à des propriétaires véreux à travers le monde. Être à la tête d'une société aussi puissante que Styles Industrie n'avait rien de gratifiant, croyez-moi.

En dépit du malheur de certaines personnes, je faisais fortune. Dans le milieu, on m'appelait l'impitoyable Styles. Et j'avais finalement fini par croire que je méritais ce qui m'arrivait.

- Vous désirez une boisson ou un repas, Monsieur ? M'interrompis une autre hôtesse

Je lui fis un signe négatif avant de la voir disparaître quelques rangées plus loin son chariot en main. J'avais pris place près du hublot, je détestais ne pas voir. Les heures d'avion me paraissaient moins longues avec la vue. Au fil des minutes, l'avion s'emplissait de personnes en tout genre, je continuais à fixer pensif l'horizon à travers le hublot. Les moteurs en marche, je sentis le sol vibrer et gondoler légèrement sous mes pieds.

- Excusez-moi, je peux m'asseoir ? Me demanda une voix amène

Je détournais aussitôt le visage pour fixer cette petite dame grisonnante d'une soixantaine d'année, sa valise en main. Je fus de suite interloqué par son fort accent irlandais, si bien que je m'autorisais un sourire fugace.

- Laissez-moi vous aider d'abord. La repris-je poliment

Je me levais et pris sa petite valise de cabine en main pour la projeter dans les casiers au dessus de nos têtes. La dame me remercia en me tapotant l'épaule avant de prendre place à mes côtés. Ce n'était qu'une petite banquette de deux places et je remerciais silencieusement mon karma d'être assis à ses côtés. D'une façon dont j'ignorais, elle me rappelait ma grand-mère. C'était une femme admirable.