CHAPITRE 6

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CLARE

Son fantôme.

C'est un peu comme un deuil inachevé. Une beauté aveugle. La raison n'existe plus, oubliée, dissoute. Alors il me reste plus que ses mots écorchés, ses sourires hypocrites, et mon cœur brisé.

*

Alors que je tournais le revers de ma cuillère dans le fond de ma tasse de thé à répétition, j'obtenus le regard insistant et inquiet d'Emilie. Elle racla le fond de sa gorge pour me signaler sa présence. J'étais affalée sur son canapé en tissu grenat depuis une bonne heure voire même peut-être deux à ressasser ce qui n'était plus.

- Clare, je t'interdis de faire cette tête. M'interpella mon amie

- Quelle tête ? Répondis-je évasive

- Cette tête ! On dirait que t'es en pleine conspiration avec le royaume des morts, c'est effrayant. S'exclama Emilie en articulant ses bras au dessus de sa tête

Je roulais mes yeux au ciel avant d'avaler d'une traite le contenu de ma tasse. Je me redressais contre le dos du canapé avant de soupirer fortement. J'avais décidé de venir chez Emilie avant de commencer mon service de l'après-midi à la supérette. Elle méritait de savoir, et d'une certaine manière, j'extériorisais.

- Écoute Clare, ne vois pas cette situation comme si il était le diable en personne, tu ne sais même pas pourquoi il est revenu. Tenta de me réconforter Emilie

- Oh si c'est le diable en personne Emilie, tu ne le connais pas. Niall m'a dit qu'une société anglaise nommée Styles Industry allait racheter une partie de la banlieue pour en faire un stupide centre commercial et ruiner tous nos pauvres emplois. Il a suivi les traces de son père.

- Peut-être qu'il n'a pas eu le choix, Clare.

- Pourquoi tu le défends ?! M'emportai-je

Je remarquais aussitôt que j'avais haussé le ton quand les sourcils de mon amie se froncèrent. Ses petites lèvres rosies se fermèrent dans la foulée. Elle déposa sa tasse de thé sur le rebord de la table basse avant de me rejoindre sur le sofa. Une main bienveillante effleura ma joue. Je baissais aussitôt mon regard vers le sol avant de sentir la surface de mes lèvres trembloter. J'avalai une grande bouffée d'air avant de fermer mes paupières quelques secondes.

- Je sais qu'il a beaucoup compté pour toi, Clare. Et je sais aussi qu'il t'a brisé le cœur le jour ou il a quitté l'Irlande. Mais accorde-lui le bénéfice du doute, tu ne sais pas ce qu'il est devenu. Me consola-t-elle

- Un profond enfoiré. Répliquai-je têtue

- Même les enfoirés ont le droit à une seconde chance. Va lui parler ! Me proposa la brune

- Ok, si tu continues je vais réellement invoquer le royaume des morts. Répliquai-je avec ironie

Elle ébouriffa d'une manière enfantine le sommet de mon crâne avant de se lever. Emilie arriva à m'arracher un sourire. Je la vis débarrasser nos tasses et s'habiller pour le dernier jour de travail de la semaine. Nous étions contraintes de porter un t-shirt rose criard (et sexiste à la fois) pour travailler à la supérette. Glenn avait eu cette hideuse idée l'année dernière en pensant que ça ferait revenir la clientèle plus souvent.

- Peut-être qu'un jour il nous fera travailler en sous-vêtements. S'indigna Emilie en enfilant son t-shirt

J'acquiesçais en silence avant de me lever à mon tour. Le soleil rayonnait au dessus de Galway, c'était une belle journée. Mes yeux fixaient l'horizon à travers la fenêtre du séjour.

GALWAY GIRL│H.S.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant