Quatrième Acte: Prunus Dulcis

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Décidemment, les affaires de l'Agence ne sont jamais vraiment secrètes. Et c'est bien dommage pour ses membres. Certes, travailler dans l'ombre, être au courant de l'existence de noires entités dans les tréfonds abyssaux et ténébreux des consciences humaines est un devoir. Mais même dans la plus grande, immense, des adversions, peut importe la tempête brisant la tempérance de la réalité, d'aucun dira que l'érection d'un mât saillant au-dessus de la mer en furie se fera. Malgré la plus grande des rages, la plus tempétueuse des colères, l'immensité du chaos cataclysmique, la nécessité d'un mur, d'un barrage reste obligatoire.

C'est ce pourquoi l'Agence a été créée. Elle est le mât, elle est le mur. En un mot, elle est un bouclier

***

Le cimetière était bordé d'ombres. Le temps semblait s'y étirer, le battement d'aile d'un papillon semblait minute, le mouvement des feuilles heure. Le silence était le maître, mais il acceptait le bruissement des végétaux, le bruit d'une onde derrière un petit bois et le chant de passereaux très discrets. Une douce brise aux effluves fraîches et automnales soufflait. Un simple détail troublait le décor, certes, tranchant parmis les arbres longs. Un homme.

Il portait un costard cravate. Le costard noir et la cravate écarlate. L'homme portait des lunettes noires ainsi qu'un malette en cuir de la main droite. Sa coupe de cheveux n'avait rien de particulier, passe-partout. Il se tenait devant une tombe fraîchement creusée. Le nom y était taillé de frais, presque brillant. La mémoire du cimetière retiendra le nom du macchabée en l'associant à celui d'un tueur, pire, un homme fratricide.

L'inconnu n'affichait aucune peine, aucune afflication. Juste du dédain. Il ne fixait non pas la tombe, mais quelque chose aux côtés du monument. Une fleur qui, si on ne savait pas que chercher, passerait pour un cousin de la fumeterre ou du lierre terrestre. Un genre de narcisse anormal. Les pétales violet sombre refusaient d'être éclairés, semblait-il et le centre magenta voulait resplendir, aurait-on dit. L'homme bougeait les lèvres mais aucun son ne sortait. Il murmurait pour lui-même.

Il sortit alors un appareil gris métalisé, un simple dictaphone. Lorsqu'il parla, ce fut d'une voix grave, masculine au possible.

- Le Sujet a été retrouvé. Ses effets ne se sont pas manifesté. Je ne l'ai pas nommé. Tentative de savoir si le Sujet est réelement présent.

L'homme fit une pause. Rien de bien étonnant, la respiration est assez importante chez les êtres vivants. Il reprit:

- Narcissus Mortem. Narcisse mortifère.

Aussitôt, le vent se mua en un murmure. Une sensation étrange envahit l'air, quelque chose qui ne devrait pas être possible. Les couleurs du Narcisse devinrent plus prononcées, moins pâles. L'homme reprit son dictaphone.

- Le Sujet a réagi comme prévu. Il sagit d'un Mortifère. Je vais le photographi...

Il fut interrompu par quelque chose qui sembla le glacer de terreur. Le vent, qui semblait murmure indistinct prit plus d'ampleur est des mots purent être audibles.


Au début était la seconde, dit le temps

Au début était la clarté, dit la Lumière,

Au début était le solide, dit la matière

A la fin je serai, dit la Mort.

Narcissus mortemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant